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8 oct. 2021

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« Il y a des problèmes auxquels je ne viens jamais, qui ne sont pas dans ma ligne, ne font point partie du monde qui est le mien. Problèmes du monde de pensée occidental que Beethoven (et peut-être partiellement Goethe) ont approchés, avec lesquels ils ont lutté, mais qu’aucun philosophe n’a jamais affrontés (peut-être Nietzsche est-il passé tout près). Et peut-être sont-ce là des problèmes perdus pour la philosophie occidentale, ce qui veut dire qu’il n’y aura personne pour ressentir – et donc pour décrire – la marche de cette culture en tant qu’epos. Ou plus exactement, elle n’est justement plus un epos, ou bien elle ne l’est plus que pour qui la considère de l’extérieur, et c’est peut-être ce que Beethoven a fait dans une sorte de vision anticipatrice (comme Spengler le suggère quelque part). On pourrait dire que la civilisation doit avoir ses poètes épiques par avance. De même que l’on ne peut voir sa propre mort que par avance et qu’on ne peut la décrire que dans une vision anticipatrice, tandis qu’il est impossible de la raconter comme si on en était contemporain. On pourrait donc dire : si tu veux voir décrit l’epos de toute une culture, alors il faut que tu le cherches parmi les œuvres des plus grandes figures de cette culture, par conséquent que tu remontes à un temps dans lequel la fin de cette culture n’a pu être vue que par avance, car plus tard il n’y a plus personne pour la décrire. Et par conséquent il n’est pas étonnant que cette fin ne soit décrite que dans la langue obscure du pressentiment, et ne soit compréhensible qu’au très petit nombre. »

Ludwig Wittgenstein, Remarques mêlées, trad. Gérard Granel, Paris, G.F., p. 62

Choix d'André Hirt

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