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28 août 2018








« Souvent la nuit, du seuil élevé et venteux de ma maison qui surplombe la mer, dans les veilles angoissées auxquelles me contraignait ma fièvre maligne, je regardais les barques des pêcheurs sortant à la rencontre de la lune, et j'écoutais le bruit plaintif des conques marines s'éloigner dans la brume argentée. Les feux des bergers s'allumaient sur les montagnes, les chiens errants aboyaient dans les bois de genêts, la mer respirait doucement devant ma porte. Et je m'apercevais tout à coup que Phébus, blotti à mes pieds, me fixait avec un reproche attristé et noble dans son regard affectueux. J'éprouvais alors une honte bizarre, presque un remords, de ma tristesse ; une sorte de pudeur devant lui. Je sentais que, dans ces moments, Phébus me méprisait : avec douleur, avec une tendre affection ; mais il avait certainement dans son regard une ombre de pitié et, en même temps, de mépris. Ainsi, peu à peu, il fut non seulement mon compagnon, mais mon juge. Il était le gardien de ma dignité, mon porte-lance.

Parfois, quand la solitude me serrait davantage le cœur, je n'apercevais plus dans ses yeux cette expression de patiente expectative que beaucoup de gens lisent dans l'œil du chien ; mais son regard long, lourd, plein d'obscurs symboles. Je sentais sa présence comme celle d'une ombre de mon ombre. C'était comme un reflet de mon esprit. Il m'aidait, par sa seule présence, à retrouver ce mépris du bien et du mal qui est la condition première de la sérénité et de la sagesse dans la vie humaine. Et aujourd'hui encore, peut-être plus qu'alors, je sens que Phébus me ressemble, qu'il n'est autre chose que le reflet de ma conscience, de ma vie secrète. Le portrait, en somme, de moi-même, de tout ce qu'il y a de plus profond, de plus intime, en moi, de plus instinctif. Mon spectre, pour ainsi dire.

Maintenant, je reconnais en lui mes mouvements les plus mystérieux, mes instants les plus incertains, mes doutes, mes épouvantes, mes espoirs. Sa dignité devant les hommes, c'est la mienne, son courageux orgueil devant la vie, c'est le mien, son mépris pour les sentiments faciles de l'homme est aussi le mien. Sa conscience morale est encore la mienne. Mais beaucoup plus que moi encore, il est sensible aux obscurs présages, aux voix de la nature. Son extrême sensibilité m'emplit souvent d'une crainte étrange, où l'espoir occupe une grande place. Non pas quand il sent venir de loin les heures tristes et les idées noires, pareilles à ces insectes morts que le vent apporte on ne sait d'où. Mais quand, étendu à mes pieds, les oreilles dressées, les yeux attentifs, il devine autour de moi une présence invisible, une ombre, un fantôme qui tantôt s'approche, tantôt s'éloigne, effleurant mon front, me guettant derrière la vitre de la fenêtre. D'après les mouvements de Phébus, je comprends si la mystérieuse présence est proche ou lointaine ; et quand il se lève d'un bond, pousse un aboiement féroce et désespéré, puis se tait rasséréné et vient poser son museau sur mes genoux, je sais que l'ombre s'est enfuie, qu'aucun péril ne menace plus mon repos ni mon travail.

Un jour Phébus me fixera avec un regard d'adieu, et il s'éloignera pour toujours. Comme Alceste, il sortira de ma maison en se retournant de temps en temps : dans ses yeux bleus, voilés de larmes, je verrai briller un dernier sentiment de pitié et d'amour. Mon seul ami, le plus cher de mes frères, me laissera pour toujours. Il ne reviendra plus. Je resterai tout seul près du feu, un livre ouvert sur mes genoux, et je n'aurai pas le courage de tourner mon regard vers la porte ouverte. Mais je suis sûr que Phébus, tout à coup, m'appellera de loin. Son aboiement fatigué m'appellera du fond de la nuit. Et je sais que je le suivrai pour accomplir son destin et le mien. Nous nous éloignerons sous la lune, dans l'herbe haute, le long du fleuve, et Phébus aboiera de bonheur ; nous partirons ainsi tous les deux comme deux vieux amis, comme deux frères qui s'aiment, jouant et nous poursuivant dans cet heureux jeu sans retour. »

Curzio Malaparte  Une femme comme moi
éditions du Rocher  Traduction : René Novella

22 juil. 2018


« […] Dans la haute antiquité il n’y avait ni prince ni sujets. On creusait des puits pour boire et l’on labourait la terre pour se nourrir. On réglait sa vie sur le soleil. On vivait dans l’insouciance sans jamais être importuné par le chagrin. Chacun se contentait de son lot, et personne ne cherchait à rivaliser avec autrui ni à exercer de charges. De gloire et d’infamie point. Nuls sentiers ne balafraient les montagnes. Ni barques ni ponts n’encombraient les cours d’eau. Les vallées ne communiquaient pas et personne ne songeait à s’emparer de territoires. Comme il n’existait pas de vastes rassemblements d’hommes la guerre était ignorée. On ne pillait pas les nids des oiseaux, on ne vidait pas les trous d’eau. Le phénix se posait dans la cour des maisons et les dragons s’ébattaient en troupeaux dans les parcs et les étangs. On pouvait marcher sur la queue des tigres et saisir dans ses mains des boas. Les mouettes ne s’envolaient pas quand on traversait les marais, lièvres et renards n’étaient pas saisis de frayeur quand on pénétrait dans les forêts. Le profit n’avait pas encore fait son apparition ; malheurs et troubles étaient inconnus. Lances et boucliers étaient sans emploi et il n’y avait ni murailles ni fossés. Les êtres s’ébattaient dans l’indistinction et s’oubliaient dans le Tao, les maladies ne prélevaient pas leur lourd tribut sur les hommes qui tous mourraient de vieillesse. Chacun gardait sa candeur native sans rouler dans son cœur de froids calculs. L’on bâfrait et l’on s’esclaffait ; on se tapait sur le ventre et on s’ébaudissait. La parole était franche et la conduite sans façons. Comment aurait-on songé à pressurer les humbles pour accaparer leurs biens et à instaurer des châtiments afin de les tomber sous le coup de la loi ?
Puis la décadence vint. On recourut à la ruse et à l’artifice. Ce fut la ruine de la vertu. On instaura la hiérarchie. On compliqua tout avec les génuflexions rituelles, les salamalecs et les prescriptions somptuaires. Les hauts bonnets de cérémonies et les vêtements chamarrés apparurent. On empila la terre et le bois en des tours qui percèrent la nue. On peinturlura en émeraude et en cinabre les poutres torsadées des palais. On arasa des montagnes pour dérober à la terre ses trésors, on plongea au fond des abysses pour en ramener des perles. Les princes rassemblèrent des monceaux de jade sans réussir à satisfaire leurs caprices, ils se procurèrent des montagnes d’or sans parvenir à subvenir à leurs dépenses. Vautrés dans le luxe et la débauche, ils outrageaient le fond primitif. L’homme s’éloigne chaque jour d’avantage de ses origines et tourne le dos un peu plus à la simplicité première. Que le prince prise les sages, et le peuple cherche à se faire une vaine réputation de vertu, qu’il convoite les biens matériels et il favorise la rapine. Car dès lors que l’on fait miroiter des objets susceptibles d’attiser les convoitises on ruine l’authenticité que l’homme abrite en son sein. Pouvoir et profit ouvrent la voie à l’accaparement et à la spoliation. Bientôt l’on se met à fabriquer des armes tranchantes, déchaînant le goût de la conquête. On craint que les arcs ne soient pas assez puissants, les cuirasses pas assez solides, les lances assez acérées, les boucliers assez épais. Mais sans guerre ni agressions tous ces engins de mort seraient bons à mettre au rebut.
Si le jade blanc ne pouvait être brisé y aurait-il des tablettes de cérémonie ? Si le Tao n’avait pas périclité, aurait-on eu besoin de se raccrocher à la bonté et à la justice ? C’est ainsi qu’il fut possible aux tyrans Kie et Tcheou et à leurs émules des faire griller leur prochain à petit feu, de mettre à mort ceux qui leur adressaient des remontrances, de couper en rondelles les princes feudataires, de transformer en hachis les chefs territoriaux, de disséquer le cœur des sages et de scier les jambes de qui bon leur semblait ; ils se livrèrent aux pires excès de la barbarie, allant jusqu’à inventer le supplice de la poutre ardente. Si de tels individus étaient restés de simples particuliers, même dotés du plus mauvais fond et des désirs les plus monstrueux, jamais il ne leur aurait été loisible de se livrer à de telles exactions. Mais du fait qu’ils étaient princes, ils purent donner libre carrière à leurs appétits et lâcher la bride à leurs vices, si bien qu’ils mirent l’empire à feu et à sang. Ainsi l’institution des monarques est la cause de tous les maux. Comment agiter les bras quand ils sont pris dans les fers et faire preuve de résolution quand on se morfond dans la boue et la poussière ? Prétendre apporter la paix grâce aux rites et corriger les mœurs par les règlements, dans une société où le maître des hommes tremble et se tourmente en haut de son palais tandis qu’en bas le peuple se débat dans la misère, me semble aussi vain que de vouloir endiguer les eaux du déluge avec une poignée de terre et obstruer avec le doigt la source jaillissante et insondable d’où proviennent les océans. »

 

 




Éloge de l’anarchie par deux excentriques chinois
Polémiques du troisième siècle traduites du Chinois et présentées par Jean Levi
Éditions de l’Encyclopédie des nuisances, 2004


11 juin 2018

Carlo Michelstaedter

POESIE


Se camminando vado solitario
per campagne deserte e abbandonate
se parlo con gli amici, di risate
ebbri, e di vita,
 

se studio, o sogno, se lavoro o rido
o se uno slancio d'arte mi trasporta
se miro la natura ora risorta
a vita nuova,
 

Te sola, del mio cor dominatrice
te sola penso, a te freme ogni fibra
a te il pensiero unicamente vibra
a te adorata.
 

A te mi spinge con crescente furia
una forza che pria non m'era nota,
senza di te la vita mi par vuota
triste ed oscura.
 

Ogni energia latente in me si sveglia
all'appello possente dell'amore,
vorrei che tu vedessi entro al mio cuore
la fiamma ardente.
 

Vorrei levarmi verso l'infinito
etere e a lui gridar la mia passione,
vorrei comunicar la ribellione
all'universo.
 

Vorrei che la natura palpitasse
del palpito che l'animo mi scuote...
vorrei che nelle tue pupille immote
splendesse amore. -
 

Ma dimmi, perché sfuggi tu il mio sguardo
fanciulla? O tu non lo comprendi ancora
il fuoco che possente mi divora?...
e tu l'accendi...
 

Non trovo pace che se a te vicino:
io ti vorrei seguir per ogni dove
e bever l'aria che da te si muove
né mai lasciarti. -
 

 31 marzo 1905

 


* * *
 

Poiché il dolore l'animo m'infranse
per me non ebbe più la vita un fiore...
e pure inconscio iva cercando amore
l'animo offeso.
 

Ahi ti vidi e a te il pensier rivolsi
a te che pura sei siccome un giglio...
... Le lacrime mi sgorgano dal ciglio
invirilmente.
 

Oh mia fanciulla, oh tu non hai compreso
di quanto amore io t'ami. Ed un dolore
nuovo, più intenso mi attanaglia il cuore
che tu feristi.
 

Se m'ami Elsa a che mi fai soffrire?
Tu della vita mia unico raggio
tu che sola m'infondi quel coraggio
che mi fa vivo!
 

Lo sguardo mio non t'ha saputo dire
non t'han saputo dir le mie parole
quello che dice all'universo il sole,
amore! amore!?
 

 3 aprile 1905

 



 Alba. Il canto del gallo
 

Salve, o vita! dal cielo illuminato
dai primi raggi del sorgente sole
all'azzurra campagna!
 

Salve, o vita! potenza misteriosa
fiume selvaggio, poderoso eterno
ragione e forza a tutto l'universo
salve o superba!
 

Te nel silenzio gravido di suoni
te nel piano profondo o palpitante
cui nuovi germi agitano il seno
te nel canto lontano degli uccelli
nel frusciar delle nascenti piante;
te nell'astro che sorge trionfante
ed in fra muti sconsolati avelli
sento vibrare
E ribollir ti sento nel mio sangue
mentre il sole m'illumina la faccia
e dalle labbra mi prorompe il grido:
 

viva la vita!
 

 1° giugno 1905

 



 La notte
 

Tace la notte intorno a me solenne
le ore vanno e sfilan le memorie
siccome un nero e funebre convoglio.
 

Del cielo nelle oscurità remote
nell'ombra amica che con man soave
le grevi forme della chiesa lambe,
nell'ombra amica che gl'uomini culla
col lento canto della pace eterna
vedo di forme strane scatenarsi
una ridda veloce e affascinante
vedo la mente umana abbacinata
chinar la fronte...
 

Ma il mio pensiero innalzasi sdegnoso
e squarcia il manto della notte bruna
libero, e vola, -
vola alla luce pura trionfante
vola al sole del vero, dove i forti
stan combattendo l'immortale agone
cinti le terapie d'agili corone,
vola esultante.
 




 La scuola è finita!
 

È giunta l'ora del distacco, è giunta;
io vi lascio sedili riscaldati
aule sapienti portici affollati
ora e per sempre!
 

Ansie e battaglie e faticose veglie
liete sconfitte e facili vittorie
e voi quaderni carchi di memorie
io v'abbandono.
 

Libero sono dalla tirannia
d'ogni minuto; sono rotti i ceppi
che per lunghi anni rallentar non seppi.
Libero sono!
 

Libero, e innanzi a me s'apre la vita
con gli orizzonti vasti ed intentati
e coi premi lontani ed agognati
nei sogni antichi.
 

Freme nel petto l'animo convulso:
sete di gloria e sete di sapere
desiderio d'azione e di piacere
in me ribolle.
 

In un amplesso solo poderoso
vorrei legare a me tutta la terra
vincere il fato e la fortuna ch'erra
cieca nel mondo.
 

* * * 

Ma un brivido mi corre per le membra,
la vita è fredda e piena di sgomento,
triste isolato debole mi sento
vo' ritornare.
 

Vo' ritornare ai banchi della scuola
alla diuturna noia, alle catene
a quel fetore che facea sì bene,
ai professori.
 

Amici, or vedo quanto abbiam perduto;
della nostra esistenza, calda un'onda
nel buio del passato si sprofonda
inesorato.
 

Con quel legame che ci die' comuni
ore di gioia ed ore di sconforto
anche un periodo della vita è morto
in quest'istante.
 

Ma non dobbiam però chinar la fronte.
Col ferro in pugno verso l'ideale
ci batterem con animo leale!
In alto i cuori!
 

E se fra le battaglie della vita
saremo vinti forse, da lontano
ci volgeremo a stringerci la mano
... addio compagni!
 

 Gorizia, 25 giugno 1905
 



Sibila il legno nel camino antico
e par che tristi rimembranze chiami
mentre filtra sottil pei suoi forami
vena di fumo.
 

O caminetto antico quanto è triste
che nella nera bocca tua rimanga
la legna che non arde e par che pianga
di desiderio,
 

ma dal profondo della sua poltrona
socchiusi gli occhi, il biondo capo chino
stese le mani al fuoco del camino
Nadia ride.


 



I
 

Cade la pioggia triste senza posa
a stilla a stilla
e si dissolve. Trema
la luce d'ogni cosa. Ed ogni cosa
sembra che debba
nell'ombra densa dileguare e quasi
nebbia bianchiccia perdersi e morire
mentre filtri voluttuosamente
oltre i diafani fili di pioggia
come lame d'acciaio vibranti.
Così l'anima mia si discolora
e si dissolve indefinitamente
che fra le tenui spire l'universo
volle abbracciare.
Ahi! che svanita come nebbia bianca
nell'ombra folta della notte eterna
è la natura e l'anima smarrita
palpita e soffre orribilmente sola
sola e cerca l'oblio.
 

II
 

«Guardi dove cammina! o 'che 'gli è cieco?».
M'erutta in faccia con fetor di vino
un popolano dondolando l'anca.
In vasta curva costeggiando il fiume
tremola ancor la luce dei fanali
e l'Arno scorre sonnacchioso e grigio,
l'acque melmose.
Spicca dei colli ancor la massa oscura
e San Miniato avvolto nella nebbia
ombra nell'ombra, -
fiaccola rossa dai camini neri
batte nell'aria, e l'alito affannoso
ferve di vita.
E risponde dall'anima mia triste
un'ansiosa brama di vittoria
ed un bisogno amaro di carezze:
forza incosciente - fiaccola fumosa.
 

III
 

O vita, o vita ancor mi tieni, indarno
l'anima si divincola, ed indarno
cerca di penetrar il tuo mistero
cerca abbracciare in un amplesso immenso
ogni tuo aspetto. -
Amore e morte, l'universo e '1 nulla
necessità crudele della vita
tu mi rifiuti.
 

 Febbraio 1907

 



I
 

A che mi guardi fanciulla con gli occhi pieni di luce,
con gli occhi azzurri profondi ed al volto ti sale una fiamma?
Non ha sole la mia giovinezza, non conta gli anni il mio core
l'anima mia dolorosa non sa le primavere.
Fanciulla perché ti soffermi? perché t'avvicini al mio core?
perché o fanciulla l'avvolgi nel fuoco tuo giovanile?
Fanciulla è freddo il mio core, è freddo il mio core e lontano,
non sente l'alito ardente della tua giovane vita.
 

II
 

Quando pei blandi tramonti, per gli ampi meriggi infocati
sui pallidi volti sussurra amor violente lusinghe,
e quando maggio riarde il petto all'uomo che vive
il core mio tace o fanciulla. -
E quando pel fosco piano cui plumbeo il cielo incombe
divampa la fiamma ribelle sospinta dal vento dell'odio
dell'odio doloroso delle moltitudini vinte
ed arde ogni giovane core e piange nell'aria fumosa
lo spasimo disperato, e suona l'urlo più alto
quando frementi si tendono gli archi di tutte le vite
esso tace o fanciulla.
E quando la mamma mi trae dalle aride ciglia una stilla
e quando la morte mi tocca, mi stringe il core convulso
e caldo m'ottenebra gli occhi il sangue di quanti ho amato
esso tace ancora o fanciulla.
E quando m'irride la folla e quando m'innalza la lode
e quando sfacciata mi sento la forza dei giovani anni
il cor mio tace o fanciulla un superbo infinito silenzio.
 

 Pasqua 1907

 




Senti Iolanda come è triste il sole
e come stride l'alito del vento -
passa radendo i vertici fioriti
un nembo irresistibile.
 

Senti, è sinistro il grido degli uccelli
vedi che oscura è l'aria
ed è fuliggine
nel raggio d'ogni luce e dal profondo
sembra levarsi tutto quanto è triste
e doloroso nel passato e tutte
le forze brute in fremito ribelle
contaminarsi irreparabilmente.
 

Scompose il nembo irreparabilmente
il tuo sorriso,
Iolanda, e mi percorse
con ignoto terrore il core altero. -
Che è questo che s'attarda insidioso
nel nostro sguardo allor che senza fine
immoto intenso dalle nere ciglia
arde di vicendevole calore?
Perché di fosca fiamma la pupilla
s'accende nel languore disperato?
Perché non ride amore
come rideva amico nelle tenui
sere di maggio?
È più forte, più forte
questa torbida fiamma di desio
e mentre tutto intorno a me precipita
mentre crolla nel vortice funesto
ogni affetto, ogni fede, ogni speranza
sbatte le rosse lingue e s'attorciglia
inestinguibile.
 

E più, e più, e più nel cielo tumido
arde l'ansia selvaggia e dolorosa
purché io sugga dai tuoi occhi il fascino
purché io senta le tue mani fremere
purché io colga alla tua bocca fervida
la voluttà infinita del tuo bacio
Ïolanda, e l'ebbrezza infinita. -
 

 Giugno 1907

 



Che ti valse la forte speranza, che ti valse la fede che non crolla
che ti valse la dura disciplina, l'ansia che t'arse il core
o mortale che chiedi la tua sorte, se dopo il tormento diuturno
se dopo la rinuncia estrema - non muore la brama insaziata
la forza bruta e selvaggia, se ancora nel tedio muto
insiste e vivo ti tiene; - perché tu senta la morte
tua ogni istante nell'ora che lenta scorre e mai finita
perché tu speri disperando e attenda ciò che non può venire
perché il dolore cieco più forte sia del dolore che vide
la stessa vanità di sé stesso? - Tu sei come colui nella notte
vide l'oscurità vana ed attese da dio chiedendo la divina luce
e d'ora in ora il fiero cuor nutrendo
di più forte volere e la speranza
esaltando più viva, quando il giorno
con la luce pietosa
alla vita mortale
ogni cosa mortale riadulava
non ei si scosse che con l'occhio fiso
vedeva pur la notte senza stelle. -
Come il tuo corpo che il sole accarezza
gode ed accoglie avido la luce
perché non anche l'animo rivolgi
ai lieti e cari giochi? Vedi intorno
fin dove giunge il guardo, la campagna
ride alla luce amica
 




Amico - mi circonda il vasto mare
con mille luci - io guardo all'orizzonte
dove il cielo ed il mare
lor vita fondon infinitamente. -
Ma altrove la natura aneddotizza
la terra spiega le sue lunghe dita
ed il sole racconta a forti tratti
le coste cui il mare rode ai piedi
ed i verdi vigneti su coronano.
E giù: alle coste in seno accende il sole
bianchi paesi intorno ai campanili
e giù nel mare bianche vele erranti
alla ventura. -
 

A me d'accanto, sullo stesso scoglio
sta la fanciulla e vibra come un'alga,
siccome un'alga all'onda varia e infida
φιλοβαθεία. -
S'avviva al sole il bronzo dei capelli
ed i suoi occhi di colomba tremuli
guardano il mare e guardano la costa
illuminata. -
Ma sotto il velo dell'aria serena
sente il mistero eterno d'ogni cosa
costretta a divenire senza posa
nell'infinito.
Sente nel sol la voce dolorosa
dell'universo, - e l'abisso l'attira
l'agita con un brivido d'orrore
siccome l'onda suol l'alga marina
che le tenaci aggrappa
radici nell'abisso e ride al sole. -
 

Amico io guardo ancora all'orizzonte
dove il cielo ed il mare
la vita fondon infinitamente.
Guardo e chiedo la vita
la vita della mia forza selvaggia
perch'io plasmi il mio mondo e perché il sole
di me possa narrar l'ombra e le luci -
la vita che mi dia pace sicura
nella pienezza dell'essere.
 

E gli occhi tremuli della colomba
vedranno nella gioia e nella pace
l'abisso della mia forza selvaggia -
e le onde varie della mia esistenza
l'agiteranno or lievi or tempestose
come l'onda del mar l'alga marina
che le tenaci aggrappa
radici nell'abisso e ride al sole. -
 

 Pirano, agosto 1908

 



Il canto delle crisalidi 
Vita, morte,
la vita nella morte;
morte, vita,
la morte nella vita.
 

Noi col filo
col filo della vita
nostra sorte
filammo a questa morte.
 

E più forte
è il sogno della vita -
se la morte
a vivere ci aita
 

ma la vita
la vita non è vita
se la morte
la morte è nella vita
 

e la morte
morte non è finita
se più forte
per lei vive la vita.
 

Ma se vita
sarà la nostra morte
nella vita
viviam solo la morte
 

morte, vita,
la morte nella vita;
vita, morte,
la vita nella morte. -

 



 Dicembre
 

Scende e sale senza posa
nebbia e pioggia greve e scura,
nella nebbia la natura
si distende accidiosa.
 

Goccia, goccia lieve chiara
va sicura al suo destin
scende e spera, e vanno a gara
altre gocce senza fin.
 

Giù l'attende terra molle
dove all'altre unita va
a formar le pozze putride
per i campi e le città.
 

Nella pozza riflettete
gocce unite in società
grigio in grigio terra e cielo
per i campi e le città.
 

Ma la noia il disinganno
fa le gocce sollevar
ed il bene che non sanno
van col vento a ricercar.
 

Dalle pozze dalle valli
sale il velo e in alto va,
non ha forma né colore
l'affannosa umidità.
 

Nella nebbia la natura
si distende accidiosa,
scende e sale senza posa
pioggia e nebbia fastidiosa.
 

 Vigilia di Natale 1909

 



 Nostalgia
 

Ma un vento lieto giù dalla montagna
invade la natura senza luce
che per pioggia e per nebbia si dissolve
e delle nubi oscure la continua
trama dirompe, e la diffusa nebbia
leva ed in lembi bianchi la sospinge
giocosamente;
e ride il sole volto ad occidente
ed i monti lontani e le colline
boscose e la pianura
risuscita ugualmente illuminando
nella lor gloria varia
delle ben note forme all'abitante.
Ma splendono più chiare e più serene
festevolmente,
poiché più luminosi si rimandan
i generosi a lor raggi del sole.
Riluce il monte e il piano
e il ciel riluce
di verde luce presso all'orizzonte,
e in alto nell'azzurro
l'ultime nubi fuggono ed il sole
con lieto riso
tinge di rosa gli orli alle fuggenti.
 

Ahi! come tutta la natura in breve
si rasserena
nella pacata luce,
e la pena passata e il lungo tedio
dei giorni grigi oblia: ché solo a gioco
s'era offuscata: ed or con nuovo gioco
si rinnovella
e rifulge più pura.
Ma il cor mi punge con tristezza amara
che il dì ripensa della gioia
e l'alba luminosa e la speranza
folle e sicura, quando
con lieto viso incontro al nuovo sole
levai il primo canto, e la sua luce
era certa promessa alla mia speme
- e le dolci figure del mio sogno
che appena avvicinate dileguaro
tristi, perch'io ver lor fervidamente
mi protendessi
e in me le volessi, me stesso in loro
tutto esaurire.
Voler e non voler per più volere
mi trattenne sull'orlo della vita
ad angosciarmi in aspettar mia volta
ed ai giucchi d'amore ed alle imprese
giovanili mi fece disdegnoso.
- A qual pro? Ma alla veglia dolorosa
una fiamma splendeva e la nutriva
una speme più forte.
Ché se al lieto commercio e del piacere
al giocondo convito l'imperioso
battere mi togliea del mio volere
impaziente, e mi togliea '1 fatale
precipitar dell'ora, nel futuro
pur m'indicava la mia ferma fede
un giorno ed una gioia senza fine
e l'affrettava.
Ahi, quanto pur m'illuse la mortal
mia vista che di fuor ci finge certo
quanto ci manca sol perché ci manca -
«vuoto il presente, vuoto nel futuro
senza confini ogni presente, placa
il voler tuo affannoso!
non chieder più che non possa natura!».
Ma il cor vive, e vuole, e chiede e aspetta
pur senza speme, aspetta e giorno ed ora
e giorno ed ora né sa che s'aspetta
e inesorabilmente
passano l'ore lente.
Così è fuggita e fugge giovinezza
ed i miei sogni e la speranza antica
nel mio cupo aspettar ancor ritrovo
insoddisfatti.
 

Che mi giova o natura luminosa
l'armonia del tuo gioco senza cure?
Ahi, chi il tuo ritmo volle preoccupare
rientrar non può nei tuoi eterni giri
ad ozïare
nel lavoro giocondo ed oblioso.
È suo destino attender senza speme
né mutamento,
vegliando, il passar de l'ore lente.
 

 Dicembre 1909 
 (antivigilia dell'anno nuovo)

 



 Marzo
 

Marzo ventoso
mese adolescente
marzo luminoso
marzo impenitente.
 

Marzo che fai tuoi giochi
con le nuvole in alto
e con l'ombra e le luci
dài mutevol risalto
alla terra stupita
 

alla terra intorpidita,
mentre dal seno le strappi
e le primole e le rose
e fresch'acque rigogliose
lieto fai rigorgogliare.
 

Ed il passero riscuoti
con la tua folle ventata
nella sua grondaia secca
nella siepe denudata.
 

Spazzi i portici e le calli
e la nebbia nelle valli
e la polvere degli avi
e i propositi dei savi
rompi e l'ombra delle chiese.
 

Ed il pavido borghese
che nell'essa porta il gelo
dell'inverno trapassato
e col corpo imbarazzato
geme il reuma ed il torpore,
che nel volto porta il velo
della noia ed il pallore
della diuturna morte,
si rinchiude frettoloso
si rinvoltola accidioso
e rincardina le porte.
 

Se lo scuoti e lo palesi,
marzo giovane pazzia,
la sua trista nostalgia
sogna il sonno di sei mesi.
 

Ei ti teme, dolce frate
marzo, terrore giocoso
ma tu passi vittorioso
sbatti gli usci e le impannate
con le tue folli ventate.
 

E la densa polve sveli
nel tuo raggio popolato
e sul legno affumicato
i vetusti ragnateli.
 

Poich'il termine al riposo
canti, marzo adolescente,
t'odia questa buona gente,
marzo luminoso.
 

Ma se t'odiano addormiti
nelle coltri riscaldate
ed i passeri impauriti
nelle siepi denudate,
t'ama il falco su nell'aria
che più agile si libra
nella tua ventata varia
e la sente in ogni fibra
lieto nella tua procella,
ché per lei si fa più bella
ché per lei si fa più pura
ai suoi occhi la natura.
 

Marzo mese luminoso
marzo adolescente
marzo mese irriverente
marzo ventoso.
 

 1° marzo 1910

 



  Aprile
 

 Che più d'un giorno è la vita mortale?
 Nubil'e brev'e freddo e pien di noia,
 die pò bella parer ma nulla vale. 

   PETRARCA, Triumphus Temporis
 

Il brivido invernale e il dubbio cielo
e i nembi oscuri che al novello amore
han fatto schermo della terra antica
dispersi a un tratto, al sol ride la terra
che d'erbe e fiori ancor s'è ricoperta
- se pur il ciel di nubi ancora svarii,
onde occhieggian le stelle nelle notti,
e nere fra il lor vario scintillare
traggan le lunghe dita pel sereno
che al piano oscuro ed ai profili neri
degli alberi dei monti si congiungono.
Ma nel cielo e nel piano, ma nell'aria,
ma nello sguardo della tua compagna
e nel pallido viso,
ma nel tuo corpo, ma per la tua bocca
canta ciò che non sai: la primavera.
 

Così mi tragge a me stesso diverso
e amor m'induce e desiderio, ancora
ch'io non sappia per che, pur fiduciosi.
Ché pur in me natura si nasconde
insidiosa e ignaro me sospinge.
Ahi, che mi vale, se pur fugge l'ora
e mi toglie da me sì ch'io non possa
saziar la mia fame ora qui tutta?
Ma solo e miserabile mi struggo
lontano e solo, anco s'a te vicino
parlo ed ascolto, o mia sola compagna.
Mentre di tra le dita delle nubi
a che occhieggian le stelle nel sereno?
Già trapassa la notte e nuove fiamme
leverà il sole ch'ei rispenga tosto:
passano i giorni e già sarà qui '1 verno
e il sol sorgendo pallido e incurante
farà fiorire il fango per le strade.
A che occhieggian le stelle nel sereno?
Qui bulica la terra e qui si muore,
cantano i galli e stridon le civette.
O gioia del novello nascimento,
o nuovo amore e antico!
O vita, chi ti vive e chi ti gode
che per te nasce e vive ed ama e muore?
Ma ogni cosa sospingi senza posa
che la tua fame tiene, e che nel vario
desiderar continua si trasmuta.
Di sé ignara e del mondo desiosa
si volge a questo e a quello che nemico
le amica il vicendevole disio,
nemica a quelli pur quando li ami
e ancora a sé per più voler nemica.
Così nel giorno grigio si continua
ogni cosa che nasce moritura,
che in vari aspetti pur la vita tiene -
ed il tempo travolge - e mentre viva
vivendo muor la diuturna morte.
 

Ed ancor io così perennemente
e vivo e mi tramuto e mi dissolvo
e mentre assisto al mio dissolvimento
ad ogni istante soffro la mia morte.
E così attendo la mia primavera
una ed intera ed una gioia e un sole.
Voglio e non posso e spero senza fede.
Ahi, non c'è sole a romper questa nebbia,
ma senza fine e senza mutamento
sta in ogni tempo intero ed infinito
l'indifferente tramutar del tutto.
 

Pur tu permani, o morte, e tu m'attendi
o sano o tristo, ferma ed immutata,
morte benevolo porto sicuro.
Che ai vivi morti quando pur sia vano
quanto la vita il pallido tuo aspetto
e se morir non sia che continuar
la nebbia maledetta
e l'affanno agli schiavi della vita -
- purché alla mia pupilla questa luce
che pur guarda la tenebra si spenga
e più non sappia questo ch'ora soffro
vano tormento senza via né speme,
tu mi sei cara mille volte, o morte,
che il sonno verserai senza risveglio
su quest'occhio che sa di non vedere,
sì che l'oscurità per me sia spenta.
 

 Notte 16-17 aprile 1910

 



 Giugno
 

Tutta la forza dal tuo seno, o terra,
il sole ha tratto che salendo avvampa,
e l'estate trionfa.
Due volte l'erba ti recise avaro
il prudente bifolco, e già le fronde
onde tutta t'ammanti,
per il continuo ardor si fan perdute.
Ed alla notte gli astri all'orizzonte
per i vapor rosseggiano più grandi
quasi la vita per più forza gravi
come un'aura di morte.
Ma se i fiori onde prossima l'aurora
del giorno estremo
anelava l'adolescente Aprile
vento estivo ha dispersi,
sotto le fronde si matura il frutto
e il bifolco gioisce.
Ahi, la promessa della primavera
in questo picciol frutto si rinserra
ed il tempo procede per il giro
d'altri inverni e di nuove primavere.
 

Ma alla notte sui vertici ricolmi
passa il nembo e pel cielo s'accavalla
la nera massa delle nubi, e lungi
livida luce rompe la tenèbra
e pei piani rivela in nuovo aspetto
messi ondeggianti ed alberi ricurvi
e pei monti corruschi nuove forme
ed in cielo più mondi e nuova vita
ogni volta diversa, mentre lungi
nuova voce rimbomba e intorno e in alto
si spande e ancor dai monti riecheggia.
E a destra e a manca e presso e da lontano
riappar la nuova luce, e come il cielo
nel diverso bagliore si trasmuta,
così la terra la livida faccia
in nuova congiunzion sembra mutare,
mentre presso e lontano, oscuro o chiaro
romba il nuovo fragore senza posa.
 

Qual nuova speme, anima solitaria,
qual si ridesta
al diffuso baglior speme sopita?
Dal diffuso baglior verrà la Luce
mai veduta? e dal rombo vorticoso
la Voce squillerà che non udisti?
Ecco la terra ancora si congiunge
coi nuovi mondi in alto,
e la striscia di fuoco ecco dirompe
la tenebra, ed io stesso abbacinato
nel vortice di fuoco sono avvolto.
Sospesa a quella luce è la mia vita
un attimo od un tempo senza fine,
che fra il lampo ed il tuono non si vive.
- Ora scoppia la vita e s'apre il frutto
del mio tanto aspettar, ora la gioia
intera e il possesso dell'universo,
ora la libertà ch'io non conosco,
ora il Dio si rivela, ora è la fine.
Ma scroscia il tuono che m'assorda... io vivo
e famelico aspetto ancor la vita.
Altri lampi, altri tuoni, ed il mistero
in benefica pioggia si dissolve.


 



 Risveglio
 

Giaccio fra l'erbe
sulla schiena del monte, e beve il sole
il mio corpo che il vento m'accarezza
e sfiorano il mio capo i fiori e l'erbe
ch'agita il vento
e lo sciame ronzante degli insetti. -
Delle rondini il volo affaccendato
segna di curve rotte il cielo azzurro
e trae nell'alto vasti cerchi il largo
volo dei falchi...
Vita?! Vita?! qui l'erbe, qui la terra,
qui il vento, qui gl'insetti, qui gli uccelli,
e pur fra questi sente vede gode
sta sotto il vento a farsi vellicare
sta sotto il sole a suggere il calore
sta sotto il cielo sulla buona terra
questo ch'io chiamo «io», ma ch'io non sono.
No, non son questo corpo, queste membra
prostrate qui fra l'erbe sulla terra,
più ch'io non sia gli insetti o l'erbe o i fiori
o i falchi su nell'aria o il vento o il sole.
Io son solo, lontano, io son diverso -
altro sole, altro vento e più superbo
volo per altri cieli è la mia vita...
Ma ora qui che aspetto, e la mia vita
perché non vive, perché non avviene?
Che è questa luce, che è questo calore,
questo ronzar confuso, questa terra,
questo cielo che incombe? M'è straniero
l'aspetto d'ogni cosa, m'è nemica
questa natura! basta! voglio uscire
da questa trama d'incubi! la vita!
la mia vita! il mio sole!
 

 Ma pel cielo
montan le nubi su dall'orizzonte,
già lambiscono il sole, già alla terra
invidiano la luce ed il calore.
Un brivido percorre la natura
e rigido mi corre per le membra
al soffiare del vento. Ma che faccio
schiacciato sulla terra qui fra l'erbe?
Ora mi levo, che ora ho un fine certo,
ora ho freddo, ora ho fame, ora m'affretto,
ora so la mia vita,
che la stessa ignoranza m'è sapere -
la natura inimica ora m'è cara
che mi darà riparo e nutrimento,
ora vado a ronzar come gl'insetti. -
 

 Sul S. Valentin, giugno 1910

 



 [Alla sorella Paula]
 

Come le rondinelle anno per anno
tornano al nido che le vide implumi,
così l'uomo nel giro dei suoi giorni
torna e ritorna al pensier della culla.
Ed ogni anno quel dì rifesteggiando
che alla fame, alla sete, che al dolore,
che alla vita mortale l'ha svegliato,
ogni anno in quel dì si riconforta
ad amar la sua vita.
E i parenti - che allor nel neonato,
nella creatura fragile impotente,
della speranza lor videro il frutto,
e con pavido amore a lui porgendo
quanto la vita dona a chi la chiede
del suo pianto si fecer velo agli occhi,
confidando che vesti e nutrimento
gli potessero far viver la vita,
- anno per anno poi rinnovellando
la speranza lontana ed il dolore
si fanno velo ancora agli occhi stanchi,
grazie porgendo a lui dell'esser nato,
perch'ei sia grato a lor della sua vita,
perché il muto dolore sia obliato
e la promessa vana ogni presente.
Ma l'augurio che ciò ch'ei mai non ebbe
pur un istante
promette in lunghi anni luminosi
dia la sua luce presa dal futuro
al giorno natalizio, e l'illusione
moltiplicando gli finga la fame
esser un bene e vita sufficiente
la diuturna morte.
E baci e doni e la mensa imbandita,
dolci parole in copia e dolci cose,
liete promesse e guardi fiduciosi
faccian chiara la stanza famigliare
facciano schermo alla notte paurosa...
 

Paula, non ti so dir dolci parole,
cose non so che possan esser care,
poiché il muto dolore a me ha parlato
e m'ha narrato quello che ogni cuore
soffre e non sa - che a sé non lo confessa.
Ed oltre il vetro della chiara stanza
che le consuete imagini riflette
vedo l'oscurità pur minacciosa
- e sostare non posso nel deserto.
Lasciami andare, Paula, nella notte
a crearmi la luce da me stesso,
lasciami andar oltre il deserto, al mare
perch'io ti porti il dono luminoso
... molto più che non credi mi sei cara.
 

 2 agosto 1910

 



Onda per onda batte sullo scoglio
- passan le vele bianche all'orizzonte;
monta rimonta, or dolce or tempestosa
l'agitata marea senza riposo.
Ma onda e sole e vento e vele e scogli,
questa è la terra, quello l'orizzonte
del mar lontano, il mar senza confini.
Non è il libero mare senza sponde,
il mare dove l'onda non arriva,
il mare che da sé genera il vento,
manda la luce e in seno la riprende,
il mar che di sua vita mille vite
suscita e cresce in una sola vita.
 

Ahi, non c'è mare cui presso o lontano
varia sponda non gravi, e vario vento
non tolga dalla solitaria pace,
mare non è che non sia un dei mari.
Anche il mare è un deserto senza vita,
arido triste fermo affaticato.
Ed il giro dei giorni e delle lune,
il variar dei venti e delle coste,
il vario giogo sì lo lega e preme
- il mar che non è mare s'anche è mare.
Ritrova il vento l'onda affaticata,
e la mia chiglia solca il vecchio solco.
E se fra il vento e il mare la mia mano
regge il timone e dirizza la vela,
non è più la mia mano che la mano
di quel vento e quell'onda che non posa...
Ché senza posa come batte l'onda
ché senza posa come vola il nembo,
sì la travaglia l'anima solitaria
a varcar nuove onde, e senza fine
nuovi confini sotto nuove stelle
fingere all'occhio fisso all'orizzonte,
dove per tramontar pur sorga il sole.
Al mio sole, al mio mar per queste strade
della terra o del mar mi volgo invano,
vana è la pena e vana la speranza,
tutta è la vita arida e deserta,
finché in un punto si raccolga in porto,
di sé stessa in un punto faccia fiamma.
 

 Pirano, agosto 1910

 



Ognuno vede quanto l'altro falla
quando crede passar filo per cruna,
pur spera ognuno d'infilar sua cruna,
né perché più s'avveda dell'inganno
meno ritenta ancora la fortuna.
Che tale è la sua sorte:
col suo filo sperar vita tramare
e con la speme giungere alla morte.
 




Non è la patria
il comodo giaciglio
per la cura e la noia e la stanchezza;
ma nel suo petto, ma pel suo periglio
chi ne voglia parlar
deve crearla. -
 





È il piacere un dio pudico,
fugge da chi l'invocò;
ai piaceri egli è nemico,
fugge da chi lo cercò.
 

Egli ama quei che non lo invoca,
egli ama quei che non lo sa;
e dona la sua luce fioca
a chi per altra luce va. -
 

Chi lo cerca non lo trova,
chi lo trova non lo sa;
il suo nome mette a prova
questa fiacca umanità. -
 

È il piacere l'Iddio pudico
ch'ama quello che non lo sa:
se lo cerchi se' già mendico,
t'ha già vinto l'oscurità. -
 





Per ora a bordo non è lavorare
che inerte pende la vela
e il vento tace sul mare
e il mar è a specchio del cielo
Per ora - a bordo non è lavorare
 

A sera il sole calerà nel mare
che senza nubi è il cielo
e giù ai confini del mare
l'orizzonte è senza velo
A sera - il sole calerà nel mare
 

Oggi sul ponte dolce riposare
che senza moto la nave
riposa il riposo del mare
e non si può camminare
Oggi sul ponte dolce riposare
 

Sola sul dorso del mare
nel mezzo del cerchio lontano
sta sotto il ciel meridiano
la nave a galleggiare
 



 [I figli del mare]
 

Dalla pace del mare lontano
dalle verdi trasparenze dell'onde
dalle lucenti grotte profonde
dal silenzio senza richiami -
Itti e Senia dal regno del mare
sul suolo triste sotto il sole avaro
Itti e Senia si risvegliaro
dei mortali a vivere la morte.
Fra le grigie lagune palustri
al vario trasmutar senza riposo
al faticare sordo ansioso
per le umide vie ritorte
alle mille voci d'affanno
ai mille fantasmi di gioia
alla sete alla fame allo spavento
all'inconfessato tormento -
alla cura che pensa il domani
che all'ieri aggrappa le mani
che ognor paventa il presente più forte
al vano terrore della morte
fra i mortali ricurvi alla terra
Itti e Senia i principi del mare
sul suolo triste sotto il sole avaro
Itti e Senia si risvegliaro. -
 

Ebbero padre ed ebbero madre
e fratelli ed amici e parenti
e conobbero i dolci sentimenti
la pietà e gli affetti e il pudore
e conobbero le parole
che conviene venerare
Itti e Senia i figli del mare
e credettero d'amare.
E lontani dal loro mare
sotto il pallido sole avaro
per il dovere facile ed amaro
impararono a camminare.
Impararono a camminare
per le vie che la siepe rinserra
e stretti alle bisogna della terra
si curvarono a faticare.
Sulle pallide facce il timore
delle piccole cose umane
e le tante speranze vane
e l'ansia che stringe il core.
 

Ma nel fondo dell'occhio nero
pur viveva il lontano dolore
e parlava la voce del mistero
per l'ignoto lontano amore.
E una sera alla sponda sonante
quando il sole calava nel mare
e gli uomini cercavano riposo
al lor ozio laborioso
Itti e Senia alla sponda del mare
l'anima solitaria al suono dell'onde
per le sue corde più profonde
intendevano vibrare.
E la vasta voce del mare
al loro cuore soffocato
lontane suscitava ignote voci,
altra patria altra casa un altro altare
un'altra pace nel lontano mare.
Si sentirono soli ed estrani
nelle tristi dimore dell'uomo
si sentirono più lontani
fra le cose più dolci e care.
E bevendo lo sguardo oscuro
l'uno all'altra dall'occhio nero
videro la fiamma del mistero
per doppia face battere più forte.
Senia disse: «Vorrei morire»
e mirava l'ultimo sole.
Itti tacque, che dalla morte
nuova vita vedeva salire.
E scorrendo l'occhio lontano
sulle sponde che serrano il mare
sulle case tristi ammucchiate
dalle trepide cure avare
«Questo è morte, Senia» - egli disse -
«questa triste nebbia oscura
dove geme la torbida luce
dell'angoscia, della paura.
 

Altra voce dal profondo
ho sentito risonare
altra luce e più giocondo
ho veduto un altro mare.
Vedo il mar senza confini
senza sponde faticate
vedo l'onde illuminate
che carena non varcò.
Vedo il sole che non cala
lento e stanco a sera in mare
ma la luce sfolgorare
vedo sopra il vasto mar.
Senia, il porto non è la terra
dove a ogni brivido del mare
corre pavido a riparare
la stanca vita il pescator.
Senia, il porto è la furia del mare,
è la furia del nembo più forte,
quando libera ride la morte
a chi libero la sfidò».
 

Così disse nell'ora del vespro
Itti a Senia con voce lontana;
dalla torre batteva la campana
del domestico focolare:
«Ritornate alle case tranquille
alla pace del tetto sicuro,
che cercate un cammino più duro?
che volete dal perfido mare?
Passa la gioia, passa il dolore,
accettate la vostra sorte,
ogni cosa che vive muore
e nessuna cosa vince la morte.
Ritornate alla via consueta
e godete di ciò che v'è dato:
non v'è un fine, non v'è una meta
per chi è preda del passato.
Ritornate al noto giaciglio
alle dolci e care cose
ritornate alle mani amorose
allo sguardo che trema per voi
a coloro che il primo passo
vi mossero e il primo accento,
che vi diedero il nutrimento
che vi crebbe le membra e il cor.
Adattatevi, ritornate,
siate utili a chi vi ama
e spegnete l'infausta brama
che vi trae dal retto sentier.
Passa la gioia, passa il dolore,
accettate la vostra sorte,
ogni cosa che vive muore
nessuna forza vince la morte».
 

Soffocata nell'onda sonora
con l'anima gonfia di pianto
ascoltava l'eco del canto
nell'oscurità del cor,
e con l'occhio all'orizzonte
dove il ciel si fondeva col mare
si sentiva vacillare
Senia, e disse: «Vorrei morire».
Ma più forte sullo scoglio
l'onda lontana s'infranse
e nel fondo una nota pianse
pei perduti figli del mare.
«No, la morte non è abbandono»
disse Itti con voce più forte
«ma è il coraggio della morte
onde la luce sorgerà.
Il coraggio di sopportare
tutto il peso del dolore,
il coraggio di navigare
verso il nostro libero mare,
il coraggio di non sostare
nella cura dell'avvenire,
il coraggio di non languire
per godere le cose care.
Nel tuo occhio sotto la pena
arde ancora la fiamma selvaggia,
abbandona la triste spiaggia
e nel mare sarai la sirena.
Se t'affidi senza timore
ben più forte saprò navigare,
se non copri la faccia al dolore
giungeremo al nostro mare.
 

Senia, il porto è la furia del mare,
è la furia del nembo più forte,
quando libera ride la morte
a chi libero la sfidò». -
 

 Carsia, 2 settembre 1910

 


 [A Senia]
 

I
 

Le cose ch'io vidi nel fondo del mare,
i baratri oscuri, le luci lontane
e grovigli d'alghe e creature strane,
Senia, a te sola lo voglio narrare.
Ché a brevi fiate nel tempo passato
nel fondo del mare mi sono tuffato.
A dare or la patria all'esule sirena,
la patria a me stesso e all'uomo abbattuto
svelare la via del suo regno perduto,
mi voglio tuffare con più forte lena,
che ogni uom manifeste le tenebre arcane
conosca e vicine le cose lontane.
 

Ma quel che già vidi nel fondo del mare,
i baratri oscuri, le luci lontane
e grovigli d'alghe e creature strane,
Senia, a te sola lo voglio narrare.
 


II
 

Da te lontano, nelle notti insonni,
innanzi agli occhi dove anche io miri,
sempre ho lo slancio della tua persona
come il vento la trae della passione
e la faccia raccolta che la fiamma
nel tempo stesso vela e manifesta.
Ma se l'occhio distolgo dalla strada
arida e sola che percorro oscura
e alla diafana luce lo rivolgo
dell'imagine tua cara e lontana,
invano cerco a me farla vicina,
invano cerco trattenerla, invano
tendo le braccia: nella notte oscura
non anche io l'ho mirata ed è svanita.
E l'occhio stanco e ardente la tenèbra
pur mira densa e inesorata quale
si chiuse innanzi all'antico cantore
che a Euridice si volse ed Euridice
nella notte infernale risospinse.
Spenta ogni luce allora ed ogni via
sbarrata, allor più presso la tenèbra
mi stringe sì che il cuor ignoto orrore
m'invade, non per me se nella notte
solo io soccomba, ma per te, o compagna
forte e sicura - che pel mio piacer,
per la mia debolezza, il mio sostare
non t'abbia risospinta nella stretta
della diuturna sofferenza inerte.
 

Perciò se freddo e ruvido io ti sembri,
ma tu lo sai: è per vieppiù andare,
è per nutrir più vivida la fiamma,
perché un giorno risplenda nella notte,
perché possiamo un giorno fiammeggiar
liberi e uniti al porto della pace.
 

 9 settembre 1910
 


III
 

Non sorridente sotto il sole estivo,
la faccia luminosa e gli occhi chiari
nel doppio raggio del sole e del mare -
non melodiosa in tutta la persona
nel ritmo della danza, o fiduciosa
nell'infuriar dell'onde, come quando
a me che ti chiedevo rispondevi:
«Per me non è mai tempo di tornare,
chi va sicuro non potrà affogare»,
né sbattuta dall'onda musicale
quando senza velami dai tuoi occhi
l'anima fiammeggiava e la tua vita
nelle dita sicure era raccolta -
non più così la creatura del sole,
il fiore della vita, la sorgente
ond'io le labbra asciutte dissetava,
la giovinezza quale altrove invano
per le vie della terra ho ricercata -
non più così ti vidi nel mio sonno,
quando la trama più si fa sottile
e all'anima più pura inverso l'alba
rivela il sogno le cose lontane.
Ma ripiegata in piccolo sedile,
come un uccello che ferito a morte
l'ultima vita con l'ali ripara,
d'un velo bianco ti facevi schermo
al freddo e alla vicina fredda morte;
e in faccia era svanito ogni colore,
ogni scintilla spenta, e nelle occhiaie
oscure gli occhi t'eran fatti cavi.
Io ti parlavo e tu non rispondevi,
ma pur col bianco vel t'adoperavi
di riparare l'ultimo calore.
T'ero vicino e tu non mi vedevi,
ma nella morte già eri raccolta
ed alla morte come ad un riposo
stanca le membra e i veli disponevi,
con moto lento, come di chi ascolta
d'una squilla lontana il misterioso
annunzio noto, ch'altri non intende.
 

Così m'eri distolta e la mia vita
invano sanguinava per ridare
a te la vita che s'era partita:
con le mani non ti potea scaldare,
con la voce non ti potea svegliare.
Come da lungi nel plumbeo mare
che si fonde col cielo vela bianca
non più in mare che in cielo navigare
sembra, così pur l'anima tua stanca
era già della morte ed era in vita,
t'era fatta la vita sol dolore,
poiché in te la passione era svanita,
ma sulla faccia il pallido terrore
t'era dipinto e t'era chiuso il core.
 

Ahi, non questa sognammo amara morte
nel suo pallido aspetto pauroso,
questa che va a picchiar tutte le porte
e ai morti dalla nascita il riposo
finge nel tempo eterno e tenebroso,
ma la giovane morte che sorride
a chi per la sua cura non la teme,
la morte che congiunge e non divide
la compagna e il compagno e non li preme
con l'oscuro dolore - ma che insieme
li accoglie nel suo seno, come il porto
di pace chi ha saputo navigare
nel mar selvaggio, nel deserto mare,
che a terra non s'è vòlto per conforto.
 

Rimprovero m'è il sogno e non spavento,
perch'io m'attardo mentre tu languisci;
s'io vinco certo così non perisci.
Questo sogno m'è sferza all'ardimento.
 

 10 settembre 1910
 


IV
 

Dato ho la vela al vento e in mezzo all'onde
del mar selvaggio, nella notte oscura,
solo, in fragile nave ho abbandonato
il porto della sicurezza inerte.
Al mare aperto drizzata ho la prora
per navigare, ed alla sorte oscura
la forza del mio braccio ho contrapposta.
Non ho temuto il vento avverso e l'onda
canuta, né la mensa famigliare
e l'usato giaciglio
ho rimpianto o il commercio delle care
e dolci cose. Né deserto e triste
m'è apparso il mar sonante nella notte,
anzi la voce sua come un appello
mi sonò in cor della mia stessa vita;
mi parve dolce cosa naufragare
nel seno ondoso che col ciel confina,
né temuta ho la morte...
 

Alla punta del golfo donde il mare
s'apre libero e vasto senza fine
tu m'attendi sicura e fiduciosa,
le vesti al vento, ritta sullo scoglio.
Costeggiar mi conviene la scogliera
per uscire dal golfo, quindi uniti
navigheremo, poiché a me t'affidi:
sì breve tratto da te mi divide
e dal libero mar sì breve tratto!
- Ma perch'io tenti la bordata e tenda
la vela al vento, pur l'inerte chiglia
non fende l'onda, ch'ora sulle creste
spumanti, or negli abissi, or sur un bordo
or sull'altro la trae senza riposo.
E se l'albero gema, se la scotta
a spezzarsi si tenda, e nella vela
ingolfandosi il vento il mio naviglio
minacci di sommergere, pur sempre
alla stessa distanza io mi ritrovo
dalla punta agognata. Col timone
io m'adopero invano al mare aperto
dirizzare la prora: a chiglia inerte
il timone non giova.
 

Il vento e l'onde intanto lentamente
come un rottame verso la scogliera
mi spingono a rovina senza scampo.
Ch'io debba naufragar senza lottare
fra la miseria dei battuti scogli,
presso al porto esecrato, come un vile,
senza esser giunto al mare, e te lasciando
sola e distrutta dopo il sogno infranto
fra le stesse miserie?
 

 Gorizia, 15 settembre 1910

 

V

Se mi trovo fra gli uomini talvolta,
qualunque cosa io parli, la mia voce
mi par che solo il nome tuo richiami.
Io taccio allora e aspetto trepidando
ch'altri con bocca impura a questa voce
risponda, e del mio bene ascoso mi discorra;
e se pur d'altre cose memorando
mi parlano con voce indifferente,
ma nel loro sorriso, ma negli occhi
mi par d'intravedere ch'altra cosa
vogliono dire, che nel cor profondo
sì mi ferisce. Che da ogni mio gesto,
che dal volto mi par ch'altri mi legga
il pensiero di te che sei lontana.
Dal commercio degli uomini rifuggo
allora alla campagna solitaria
o alla mia stanza solitaria e solo
tutto in me mi raccolgo; ma nell'aria,
nel canto degli uccelli e nell'uguale
mormorare dell'acqua, dalle ripe
alte del fiume e pur dalle pareti
della mia ignuda stanza, a piena voce
il tuo nome riecheggia al mio silenzio,
sì che palese a ognuno e manifesta
del tutto, al volgo preda senza schermo,
parmi l'anima mia nel suo segreto.
Ed il sogno che nasce palpitante,
la «storia» che non soffre le parole
ma vuol esser vissuta, il più profondo
e caro senso della nostra vita,
che pur uniti e soli sotto il velo
di parole comuni nascondiamo,
d'atti comuni, con gelosa cura
nascondiamo a noi stessi, ora del volgo
mi par fatto preda contaminata.
 

Nei giorni del dolore e nelle notti
senza riposo, nella valle triste
della sorda fatica e del tormento
senza speranza, nel mio dubitare
cieco, quando l'abisso dell'inerzia,
dell'abbandono m'era aperto ai piedi,
allor fioca scintilla io l'allevava
il mio sogno lontano, ancor ch'io fossi
d'ogni certa speranza privo al tutto;
ma da quello una vena mi fluiva
di forza che nel mezzo delle cose
vane e volgari, delle ottuse cure,
indifferente mi facea e sicuro,
e al dolor mi temprava e ogni timore
del mio stesso soffrir, ogni ricerca
di premi, di riposo, di conforto
ogni viltà dal cuore mi toglieva.
Dal più profondo della mia distretta,
nella mente più oscura quella fiamma
mi era sorta, caduta ogni speranza,
e la risposta al tanto faticare
di richieste alla vita per lei chiara
mi rifulgeva: «Non chieder più nulla,
sappi goder del tuo stesso dolore,
non adattarti per fuggir la morte;
anzi da te la vita nel deserto
fatti - che sia per gli altri nuova vita;
non disperare, ma rinuncia ai vani
aspetti della vita, e nel deserto
sarai tranquillo: dalla tua rinuncia
rifulgerà il tuo atto vittorioso,
ΑΡΓΙΑ sarà il tuo porto Ι'ΕΝΕΡΓΕΙΑΣ».
 

E sentii la mia vita fiammeggiare
ed il deserto farsi popoloso,
credetti fosse giunto il luminoso
mio giorno nella notte e consumare
quella fiamma mi parve la mia vita.
Ma per più lunga strada il mio destino
mi volse a far cammino: e vivo ancora
mi trovai nel fittizio riposo,
ma a te vicino per più forte andare;
in te concreta vidi la mia fiamma,
in te il mio sogno fatto era vicino
e la mia vita più certa: ogni ritorno,
ogni vile riposo, ogni timore
era morto per me. - Nel mare ondoso,
sulla brulla costiera solitaria,
sotto la forte quercia, a me vicina
io t'ho sentita siccome nel sogno. -
Non Argia ma Senia io t'ho chiamata,
per non sostar nel facile riposo,
e la lingua la fiamma consacrata
con le parole non contaminò.
Pur or mi trovo ancora nella nebbia
e il camminar m'è vano e la fatica
novellamente mi si fa penosa.
Io sento me da me fatto diverso,
se pur vicina ti sento lontana
ancora come un tempo, e la mia fiamma
geme che pur rifulse nella notte
per sua forza, sicura. Nelle tante
piccole e vane cose nuovamente
io mi dissolvo; nell'oscuro giro
della diuturna noia il nostro sogno
parmi tradito e per ignote voci
con parole di scherno messo a nudo,
pesato, misurato, confrontato…
Come se ignote mani il focolare
andassero scrutando ingordamente,
e alle ceneri insieme le faville
disperdessero al vento...
 

L'angoscia di non giungere alla vita
e di perire dell'oscura morte
te trascinando nell'abisso, Senia,
mi prende forte sì che dubitoso
mi son fatto di me, che non sopporto
le mie stesse parole, e di me stesso
invincibile nausea m'opprime.
 

 Gorizia, 19 settembre 1910
 


VI
 

Ti son vicino e tu mi sei lontana,
mi guardi e non mi vedi, o s'io ti parlo,
pur amando ascolti, non però m'intendi;
ti sono questo corpo e questi suoni,
ti sono un nome, ti son un dei tanti,
come un altro sarebbe
che per nome e per vista conoscessi.
Io non sono per te «io», la mia vita,
io, questa mia volontà più forte,
Il mio sogno, il mio mondo, il mio destino.
Io non sono per te: questo mio amore
disperato e lontano e doloroso
- gli passi accanto e non lo senti amare.
Ma ancor fra gli altri uomini t'aggiri,
con questo parli ed a quello t'affidi,
fra lor vivi e per lor, s'anco a nessuno
dai la tua speme intera e la fiducia.
Ma fra l'oggi e il domani e questo e quello
ti dissolvi, e trapassi senza sole
la tua selvaggia e forte giovinezza,
e la tua speme consumando ignara
sei di te stessa - ed io mi struggo invano.
Mentre mi vince gelosia crudele
non pur di questo giovane e di quello
cui lo sguardo concedi o la parola,
ma d'ogni cosa che ti sia vicina,
ma del sole, dell'aria, ma del pane,
ché di loro ti nutri e a me sei tolta;
gelosia d'ogni giorno, d'ogni istante,
che vivi, che non vivi di me solo,
che l'aria e il pane e il sole, che ogni cosa,
che il mondo intero, che la vita stessa
vorrei esser per te - ma tu l'ignori.
 


VII

Parlarti? e pria che tolta per la vita
mi sii, del tutto prenderti? - che giova?
che giova, se del tutto io t'ho perduta
quando mia tu non fosti il giorno stesso
che c'incontrammo? Che se pur t'avessi
ora, vincendo, mia per il futuro,
mia per diritto, mia per tuo volere,
mia non saresti più che non sei ora,
mia non saresti più che s'altra mano
ti possedesse. Che pur del mio corpo
sarei geloso come or son d'altrui.
Non più sarei per te la vita intera
ch'ora non sono, se già in me non l'ami:
ma se in me non l'ami, se tua vita
crear non so della mia vita stessa,
che più giova sperar, che più volere,
che mi giova la vita e il mio dolore
e questo amor lontano e disperato?
Fatto sono da me stesso diverso
che centra il fato mi dicevo forte,
poiché ho esperta e ancor vivo ad ogni istante
nella tua indifferenza la mia morte.
Né più mi giova mendicare i giorni
né chieder altro più dal dio nemico,
se non che faccia mia morte finita.



 


All'Isonzo

Dalle nevose gole, dai torbidi
monti lontani con lena rabida,
con aspro sibilo soffia la raffica,
rompe la densa greve nebbia,
stringe le basse grigie nubi
e le respinge in onde gravide.


Passa radendo sui pioppi tremoli
- sul nero piano incombe il peso
della ciclopica lotta dell'etere.
Ma a lei più forte risponde l'impeto
selvaggio e giovine del fiume rapido
cui le corrose ripe trattengono:
il suo possente muggito al sibilo
della procella commesce e il vivido
chiaror del lontano sereno
riflette livido, nell'onda torbida.


E al mar l'annuncio porta della lotta
che nebbia e vento nel ciel combattono,
al mar l'annuncio porta del tumulto
che in cor m'infuria quando la nausea,
quando il torpore, il dubbio, l'abbandono
per la tua vista, Argia, più fervido
l'ardir combatte e sogna il mare libero.


 Notte del 22 settembre 1910







28 mai 2018

LOUISE LECLERCQ
Paul Verlaine




CHAPITRE I

Il n'y a guère de mélancolie plus épaisse, de tristesse plus lourde
que la pensée de vivre dans ces énormes maisons de plâtre, à cinq
et six étages, avec leurs innombrables volets gris, comme des poitrines
de squelettes à plat sur le blanc sale du mur, de l’ancienne banlieue
parisienne. Je parle plus spécialement des quartiers paisibles, honnêtes,
où la bâtisse a prospéré grâce aux locataires bons payeurs, où ont pu se
former de très longues rues sans air et sans soleil. Le petit rentier qui
rente si magnifiquement le possesseur de ces hideux phalanstères a bien
raison d’être pour la plupart du temps un imbécile, car qui pourrait, à
un certain âge, le temps du repos venu, finir sa vie, non pas même heureusement,
mais tranquillement, dans de pareilles conditions d’insalubre
laideur et de platitude vénéneuse ? L’homme jeune, le ménage qui a sa
fortune à faire ou son pain à gagner sur la vie de tous les jours, peut à
la rigueur admettre cette hygiène absurde, s’y faire, la supporter, — au
prix de quel ennui méchant, toutefois, de quelles sensations perverses, de
quelles envies de briser à jamais ce cadre noir et d’en sortir pour quelles
fuites ! Et combien de lamentables culpabilités de quelque ordre que ce
soit pourraient s’expliquer, sinon s’excuser, par ces motifs tortueux, inavoués,
insoupçonnés, de milieux analogues ou pareils ?
La rue des Dames, aux Batignolles, peut servir de type à ces mornes
enfilades de bâtisses à suer les revenus. . . et la santé des braves bourgeois
qu’engouffre et pressure l’immense spéculation moderne sur les
immeubles. Relativement passante et très commerçante à proportion, elle
présente assez de vie normale et de mouvement nécessaire pour ne pas
entrer logiquement dans la catégorie de ce que l’on a appelé des coins d’idylle
parisienne. Du reste, le quartier lui-même des Batignolles ne prête
pas le moins du monde à ces galantes ou sinistres suggestions, tout entier
bâti qu’il est pour la location en masse, sans presque de jardins, ni de
murs surmontés de branches, ni de ces terrains à gazon, théâtres de bien
des scènes qui ne sont pas toujours polissonnes : l’aspect général y est
mesquinement bourgeois, cossu pauvrement, rangé, chiche, mais propre
autant que possible en dépit des ruisseaux taris, des bouches d’égoûts insuffisamment
étroites, et des bornes-fontaines ridiculement rares. Les magasins,
sinon beaux, du moins assez bien fournis et point trop mal décorés
à l’étalage, nouveautés, merceries, boucheries quasi-coquettes et charcuteries
essayant de rire un brin, foisonnent dans la rue des Dames. Des bureaux
de tabac, quelques libraires et plusieurs cafés très anciens mêlent
leur superflu bien modeste, au confortable qui fait la gloire des ménagères
et la sécurité bourgeoise des habitants de cette étroite, humide, interminable
artère principale des Batignolles proprement dites. De nombreuses
crémeries à l’usage des employés pauvres et des ouvriers célibataires du
quartier, complètent cette physionomie qu’on voudrait croire provinciale,
n’étaient telle lacune dans la bonhomie, tel manque de naïveté forte, telle
négligence, telle brutalité, telle ignorance bien faubourienne, comme une
enseigne prise à un roman qui fut à la mode, comme l’affichage d’une ordure
de plume ou de crayon dont Paris seul encore ne rougit point, comme
ce je ne sais quoi de trivial et de provisoire qui gâte à Paris et dans ses
environs immédiats toute installation de modeste importance.
Au coin de la rue des Dames et d’une des rues qui aboutissent sur le
boulevard des Batignolles se trouve une assez grande épicerie. Le maga-
sin s’ouvre à l’angle même de la maison dont l’entrée pour les locataires
donne sur la rue transversale. Les boiseries extérieures sont peintes en
jaune foncé rehaussé de filets bruns ; le mot « denrées » en gros caractères
noirs surmonte la partie du magasin située sur la rue des Dames,
les syllabes « colo » continuent cette enseigne au-dessus de la porte vitrée
d’entre les deux rues, et la désinence « niales » l’achève dans la rue
transversale. La raison sociale « Eugène Costeaux, Leclercq successeur »,
s’étalait il y a un peu plus de deux ans en deux lignes de lettres rouges
imitant l’écriture anglaise sur les baants vitrés de la porte d’entrée du
magasin. Le nom « Leclercq » était répété, seul cette fois, sur la dalle de
marbre blanc et bleu du seuil étroit qui s’allonge entre deux hauts vitrages
grillés à hauteur d’homme. Un paillasson précède immédiatement la porte
dont le battant resté libre s’ouvre en dedans. Le magasin est bas de plafond.
Son plancher reste poussiéreux bien que balayé plusieurs fois par
jour et arrosé tous les matins abondamment, mais il vient tant de monde
et la rue est si sale !
A l’époque dont il s’agit, deux garçons revêtus de la longue blouse
grise de l’emploi, faisaient le service sous la direction très active du patron
et de la patronne. Ceux-ci, de bien braves gens quelconques, tout à leur
magasin qu’ils tenaient d’un oncle au mari, mort sans enfants, il y avait
une vingtaine d’années, étaient originaires de Saint-Denis, où leurs ascendants
avaient vécu de père en fils du même commerce d’épiceries, exercé
en tout petit. C’étaient donc des Parisiens de race et d’habitudes, qui ne
sortaient jamais, la femme et la fille, que pour aller à une messe basse le
Dimanche, le ménage qu’aux jours de réjouissance nationale ou de telles
grandes fêtes parisiennes comme l’Assomption et Noël, pour voir les illuminations
ou les baraques du boulevard, ou faire hors des fortifications,
jusqu’aux premières maisons de Clichy et de Saint-Ouen, un tour dans ce
qu’on appelle la campagne chez les petites gens de Paris. Le Spectacle, si
cher à tout ce qui provient de la grande ville ou qui vit d’elle, leur était
pour ainsi dire inconnu, ainsi qu’il arrive (arrrive) d’ailleurs très souvent
aux boutiquiers besoigneux ou simplement sérieux, comme on dit dans
ce monde-là. Mais ils devaient à leur origine parisienne comme à l’obstination
de leur vie dans ce pourtour de la capitale, de partager avec leurs
concitoyens le préjugé, presque la vénération du Théâtre, de ses choses
et de ses hommes. Ils recevaient le Petit Journal et en collectionnaient les
feuilletons qu’ils prêtaient à des voisins et qui ne rentraient pas toujours
aussi exactement qu’il eût fallu pour bien faire. L’épargne la plus stricte
sans trop d’exagération toutefois présidait à leurs dépenses de ménage.
Une nourriture très simple, boeuf et légumes de la saison, peu de mouton,
du veau rarement et presque jamais de charcuterie, le tout arrosé de vin
au litre, — égayé de dessert et de café tous les dimanches sans faute et
parfois un jour de la semaine, selon le caprice du père, un peu despote, —
leur bilan était très simple, comme vous voyez, et peu de nature à nuire
en quoi que ce fût à la mise de côté comme au sûr placement des bénéfices
réalisés chaque année, de trois mille cinq cents à quatre mille francs en
bonnes espèces sonnantes et qui ne devaient rien à personne.
M. Leclercq pouvait avoir dans les quarante-cinq et sa femme dans
les quarante ans ; leur fille Louise en avait vingt-deux. Elle tenait surtout
de sa mère au physique, beaucoup de fraîcheur sans grande beauté : un
nez un peu long, bien modelé, avec une tendance à paraître pointu, de
fort beaux yeux bleus et des cheveux châtain-foncé à reflets blonds formaient
un ensemble assez agréable que complétaient un front bas et large
d’une belle ligne bien précise, et des tempes où le sang jeune épanouissait
des veines pâles en deux fleurs d’un violet rose si délicat que l’on eût
cru parfois pouvoir s’attendre à voir couler la vie par les pores exquis
de cette peau littéralement diaphane. La taille moyenne encore frêle, elle
marchait non sans grâce, gesticulait peu mais cependant en vraie parisienne
de Paris ; de longues mains blanches aux doigts des mieux faits,
des pieds presque mignons ajoutaient à la distinction naturelle de cette
fille charmante en somme. La simplicité vraie, absolue, qui est très souvent
le partage heureux, l’élégance et l’honneur de ces classes inférieures
du commerce en détail, le parfum de ces âmes humbles, régnait dans toute
sa personne, souverainement. Son accent légèrement précieux et flûté, —
mais née de parents parisiens et n’ayant jamais vécu qu’aux Batignolles,
comment voulez-vous qu’elle ne chantât pas, qu’elle ne traînât pas un tantinet
en parlant ? — son accent prêtait à sa parole toujours sobre, juste
et bienveillante, une musique qui la rendait délicieuse. Ses parents l’avaient
beaucoup mieux élevée qu’on n’eût été en droit de l’attendre de
gens en apparence si bornés et que leur trafic semblait devoir absorber
tout entiers. C’est ainsi qu’elle avait été recommandée à la maîtresse de
l’externat de la rue Lemercier pour des travaux d’aiguille et des notions
de ménage de préférence à toutes les autres matières enseignées. Bien
qu’elle eût montré dès son enfance des dispositions pour le dessin et la
musique, ces deux arts d’agrément avaient été rayés de son programme
d’études de par un bon sens dont donne trop peu d’exemples notre petite
bourgeoisie parisienne d’aujourd’hui, si superficielle en tout autre chose
qu’en le travail pour le pain quotidien, où elle est admirable, par exemple,
de prévoyance, d’économie et d’honnête savoir-faire. Elle avait aussi, sur
l’insistance de ces bonnes gens, suivi un an de plus qu’il n’était d’usage
dans l’institution Brodeau le précieux catéchisme de persévérance de M.
l’abbé de Guimard, le second vicaire si malheureusement enlevé l’année
dernière par les suites d’une bronchite contractée au confessionnal pendant
l’effroyable hiver de 1879, à l’affection de son vénérable supérieur,
de ses dignes confrères et de tous les paroissiens de Sainte-Marie des Batignolles.
Par un sentiment exquis des délicatesses d’une âme de jeune fille,
par un tact presque instinctif, infiniment supérieur à leurs habitudes de
vie et de raisonnement, les Leclercq avaient compris qu’il fallait à Louise
une atmosphère intellectuelle et morale qui fût autre que la leur, moins
épaisse, moins saturée d’odeurs mercantiles. De la boutique paternelle
elle ne connaissait en quelque sorte que la quintessence, l’expression abstraite
seule, la résultante intellectuelle, l’esprit, je veux dire la comptabilité,
que ses parents n’eussent pu tenir et dont ils se félicitaient chaque
jour de l’avoir chargée en remplacement d’une mercenaire, tant elle s’en
acquittait avec zèle et vaillance. Une poésie s’en dégageait pour elle, mêlée
aux senteurs prédominantes de l’épicerie, les plus fines ensemble et
les plus fortes, les plus intelligentes si l’on peut ainsi parler, cannelles
et vinaigres, cires et fruits confits, oranges et citrons, qui lui arrivaient
par bouffées vagues, à travers la porte souvent entrebâillée de l’arrière-
boutique, où elle se tenait la plupart du temps.
Cette arrière-boutique se composait d’une pièce principale qui servait
de chambre à coucher aux époux Leclercq et de salle à manger, et d’un
cabinet ne prenant un peu de lumière que par une lucarne percée sur la
première pièce. Louise avait son lit dans ce cabinet. Dès le matin la pièce
principale perdait l’aspect d’une chambre à coucher, grâce à une alcôve
(alcove) fermée à deux battants par une porte de chêne peinte en blanc,
à ferrures d’armoire ancienne. La jeune fille, après avoir fait son lit et celui
de ses parents, mettait minutieusement en ordre la pièce où ceux-ci
avaient passé la nuit. Comme c’était là qu’elle restait dans la journée, occupée
à sa comptabilité et aux travaux d’aiguille de la maison, elle avait
l’endroit en prédilection, changeait souvent les rideaux de la fenêtre, laquelle
donnait sur la rue transversale à la rue des Dames, frottait la haute
glace de dessus la cheminée, ainsi que le globe de la pendule et ceux des
flambeaux de composition argentée qui se faisaient pendant à droite et à
gauche du Léonidas mourant pour Lacédémone, à cheval sur un cadran
signé Lepaute à Paris. La table ronde à rallonges qui servait aux repas de
famille, recouverte d’une étoffe rouge et noire, garnissait le milieu de la
pièce que meublaient deux fauteuils dans des housses pour les époux Leclercq
et six chaises d’acajou à siège de velours épinglé violet. Le parquet,
soigneusement ciré et frotté tous les trois jours par le plus jeune des garçons
de boutique, disparaissait presque sous un tapis un peu criard d’étoffe
à bon marché, grand luxe de petite bourgeoisie justifié en l’occasion
par une cruelle disposition du père Leclercq au froid aux pieds.
Louise ne lisait jamais : le même bon sens dont il a été question plus
haut avait détourné ses parents de l’habitude parisienne de laisser traîner
livres et journaux sous les yeux des enfants petits ou grands. D’abord,
de livres, il n’y en avait pas un seul chez eux en dehors du paroissien
romain de Mme Leclercq, du livre de messe de Louise et des quelques
ouvrages classiques qui lui avaient servi à l’école ; quand au Petit Journal
mentionné tout à l’heure, Monsieur le lisait au soir, après la fermeture
du magasin ; Madame se tenait au courant du feuilleton qu’elle coupait
aussitôt après lecture faite et serrait dans un placard à linge dont elle
seule avait la clef ; le reste du journal, mis à part dans un coin spécial de
la boutique, servait à l’empaquetage des menus objets de vente. On avait
dès le principe accoutumé « la petite » à ne pas toucher au journal de peur
qu’il pût se perdre ou se salir.
L’enfant en grandissant continua de porter le même respect à la chose
imprimée, n’en conçut jamais la curiosité, et, n’en ayant pas goûté la douceur,
y restait dès lors absolument indifférente.
Les Leclercq profitèrent tout naturellement, mais, il faut y insister,
avec un tact bien rare dans leur classe, de cette heureuse disposition de
leur fille et s’arrangèrent pour qu’il parût aller de soi, pour qu’il fût à la
fois entendu et sous-entendu que toute lecture oiseuse resterait étrangère
à la Ménagère, à la Demoiselle qu’elle était. N’échappaient à cette prohibition
tacite et tacitement consentie que les seuls fascicules des Annales
de la Propagation de la foi, dont Louise était zélatrice. Ce merveilleux recueil,
écrit simplement, rondement, par des hommes d’action dans le plus
haut sens du mot, lettrés sans être littérateurs, quelque chose comme les
commentaires de César autrement plus militants, inestimable trésor historique
et géographique, qui formera plus tard le livre certainement le
plus important à tous égards de ce siècle, paraissait aux Leclercq, qui en
feuilletaient souvent les livraisons avec le plus naïf et le plus sincère intérêt,
tout à fait en rapport avec l’instruction supérieure à la leur de Louise
et son éducation religieuse relativement forte : ces excellentes gens, qui
participaient largement, on l’a vu et on le verra, aux ignorances de leur
caste, à ses préjugés de toute catégorie et de toute saison, à ses entêtements
dans la palinodie périodique, du moins n’étaient pas devenus irréligieux,
au milieu de la dégringolade morale de ces dernières années
dans ces régions peu intellectuelles. Sans jamais avoir pratiqué depuis
ses quinze ou seize ans sonnés, — pareil en cette chose à tant d’autres
français, — le père Leclercq ne s’était pas laissé gagner à la très basse, très
crapuleuse, mais d’autant plus formidable corruption actuelle, oeuvre réciproque
de la presse et des moeurs, logique, dès longtemps prévue, prédite
et. . . point assez combattue par qui de droit, et dont le trait dominant
est le reniement brutal de Dieu, la mort sans phrase à toute idée spiritualiste.
Son esprit droit d’origine, solidement trempé pour la bataille des
principes de fond dans un long exercice de la probité commerciale la plus
scrupuleuse, aiguisé et affiné sur la roue de ce gagne-petit, le commerce
en détail, le mettait en garde contre de pareils dangers, — même attaquant
de biais, même insinués tortueusement par telle feuille doucereuse. Il approuvait
donc ce qu’il appelait « la dévotion » de « ces dames », tout en
les plaisantant quelquefois à ce sujet ; mais si peu ! — (« à la Voltaire »,
comme il disait, croyant dire « spirituellement », — sans quoi eût-il été
parfaitement épicier ?) Il revenait très vite d’ailleurs sur ces échappées de
la toute petite incrédulité qui était en lui, et qui ne prenaient aussi bien
guère place que les jours « d’extra », après le pousse-café bu, en compagnie
de souvenirs de jeunesse et de récits gazés, frasques d’adolescent,
fredaines d’avant le mariage (bien peu nombreuses en tout cas, car il s’était
marié si tôt ! — « trop tôt », ajoutait-il dans ces occasions-là). Mais,
en somme, et à part ces bêtises d’un esprit droit mais de très court vol,
son langage était respectueux de la religion et de la morale, et des plus
convenables, des plus plausibles, généralement. Quant à la pratique de la
religion, lorsque sa femme lui reprochait d’être inconséquent dans son
abstention comparée à ses paroles, « il faut de la religion, même pour les
hommes, peut-être même surtout pour eux », il répondait avec une entière
bonne foi, — terrible et lamentable au fond : — Que veux-tu, ma
bonne, ce diable de commerce !. . . Quand je serai retiré, certainement.
Mais Mᵐᵉ Leclercq était la reine des femmes douces ; son portrait sera
parfait quand on saura, qu’elle joignait à une grande indulgence pour les
autres une sagacité sociale des plus remarquables.
Louise avait donc en somme une destinée heureuse que beaucoup
d’autres plus riches ou d’une naissance plus haute eussent pu envier. Aimée
de ses parents, estimée d’eux, et mise spontanément par eux à la place
sinon supérieure, du moins très honorablement spéciale que ses mérites
et son acquis lui assignaient à côté d’eux, rien n’eût paru lui manquer, rien
à coup sûr ne paraissait à elle-même lui manquer sur cette terre de demibonheurs
et dans cette peu récréative rue des Dames aux Batignolles.
Cependant à certains jours, quand il pleuvait, par exemple, que la fenêtre
de la pièce du rez-de-chaussée où elle travaillait soit de la plume,
soit de l’aiguille, ruisselait ou dégouttait, ou simplement ne laissait passer
qu’un jour sale au lieu du jour jamais bien chaud ni clair mais du
moins net et doux des beaux temps, l’ennui la prenait, un ennui vague
et dont elle n’eût su constater seulement l’existence, loin de pouvoir le
définir. Cette fille occupée à des travaux rationnellement équilibrés où
l’intelligence et le corps avaient leur juste part, était en outre trop dégagée
de toute phrase de roman, de toute conversation pointue, de tout
entortillage, de toute chinoiserie de la pensée, pour devoir admettre, fût-ce
un instant, fût-ce par surprise, que quelque chose comme un « ennui
vague » pût se glisser dans l’active régularité de sa vie. Elle avait bien eu
parfois des chagrins plus ou moins vifs, des contrariétés comme tout le
monde est appelé à en subir et dont elle se souvenait très nettement, moralisant
en elle-même à leur propos, tirant de ces minimes catastrophes la
somme d’expériences qu’elles étaient susceptibles de contenir, exploitant
jusqu’au souvenir du déplaisir souffert, s’en faisant un cuisant prétexte
pour éviter, fuir, ou repousser l’occasion même la plus plausible (en dehors
d’un devoir à remplir, bien entendu) de s’y exposer à nouveau ; —
mais d’ennui, de cette chose molle, pénétrante, inconsistante comme le
brouillard, comme un mauvais air, non, elle n’aurait pu parler d’un phénomène
analogue par rapport à elle-même, elle aurait au contraire pu
sans mentir nier qu’elle en eût jamais eu conscience.
Et pourtant elle s’ennuyait parfois. Surtout ces jours de pluie dont il
a été parlé ; vers le soir aussi principalement en été, quand il fait encore
assez clair pour travailler et déjà suffisamment obscur pour allumer la
lampe ou les bougies. L’hiver la nuit tombe sans presque de transition, le
feu d’ailleurs vit à côté de vous, lumineux et bruyant, cause avec vous,
voudrait-on croire, vous envoie sa chaude haleine, vous regarde de ses
mille yeux familiers ; mais Ventre-chien-et-loup des fins d’après-midi de
la belle saison est vraiment redoutable aux organisations tant soit peu
délicates : tout s’efface, s’estompe, semble se désoler, vous laisser seul
entre quatre murs d’ombre à tout instant épaissie. C’est alors qu’à l’insu
de sa fierté de fourmi qui eût bien envoyé chanter et danser toute idée de
vapeurs, de langueur, et autre forme plus ou moins actuelle de l’immortel
Ennui, tombait sur elle, lui pesait sur les tempes, s’appuyait à ses épaules
cet on ne sait quoi qui trouble le dessein, émousse la volonté du jour
et de l’heure, rend le coeur vague, la tête vide, la chair et le sang et les
nerfs prépondérants sur l’esprit, et le temps si long, si lourd, si sottement
insupportable !
Cela durait peu, quelquefois une minute ou deux, rarement quatre
ou cinq ; bien vite les yeux errants, vacants, revenaient sur le surget commencé,
sur le total à reporter, — la main pendante ou qui caressait le front
du bout d’un doigt sans but, prenait à nouveau la plume ou l’aiguille, — la
sage Louise, pratique, sérieuse, pareille à elle-même, descendait de l’hippogriffe,
fermait le château en Espagne, se retrouvait aux Batignolles, rue
des Dames, dans l’arrière-boutique de son père, M. Leclercq, marchand
épicier, successeur de Costeaux, — et comme elle s’y plaisait, toute rassu-
rée, toute chez elle !
Sa mère avait surpris cette presque imperceptible assomption sur la
Chimère d’une pensée rendue un instant incapable de lest. Du reste elle
n’en parlait pas à Louise, thésaurisant ses observations pour les dépenser
au besoin en utiles conseils, en reproches modérés : mais cette rigueur
se trouverait-elle jamais nécessaire vis-à-vis d’une enfant aussi sensée,
aussi bonne ? On ne savait, pensait Mᵐᵉ Leclercq, qui pouvait répondre ?
Et sans s’alarmer elle s’inquiétait un peu.
Louise, on le sait, était entrée dans sa vingt-troisième année. Sans
précisément s’occuper d’un établissement pour elle, ses parents ne pouvaient
s’empêcher d’y penser quelquefois. A deux ou trois reprises même,
à des mois d’intervalle, ils s’en étaient parlé en cette année 188. . . Dame,
ils n’étaient plus tout à fait jeunes, bien qu’encore dans l’âge du commerce
actif. Avec l’extrême intelligence de Louise, ses qualités solides, et
son bon caractère, il serait évidemment avantageux de lui faire épouser
un garçon sérieux, de quelque dot bien entendu, connaissant la partie,
dans les vingt-cinq vingt-six ans, fils de commerçants retirés après cession
de leur établissement à des tiers, qui reprendrait le magasin avec
Louise comme comptable ; celle-ci pourrait aider un peu son mari dans la
vente, à l’exemple de Mᵐᵉ Leclercq, — à condition toutefois que cela plût
à la chère enfant et ne la dérangeât pas trop des soins du ménage. Eux
autres ils se retireraient à Saint-Denis, chez un jardinier de leurs parents
qui leur louerait le rez-de-chaussée de sa maison avec un bon coin de son
potager qu’ils pourraient cultiver à leur gré ou transformer en pur jardin
de fleurs : ils viendraient voir les enfants de temps en temps, les enfants
aux grands jours les visiteraient, et tous les et coetera de cet ordre d’idées.
Mais, mais,. . . c’était plutôt madame que monsieur qui disait ces maislà
ou les accueillait le plus attentivement quand ils se produisaient dans
la conversation. — Et le plus important de ces mais pouvait se développer
en ceci : Louise aimerait-elle à se marier ?
Mᵐᵉ Leclercq répondait que non, le craignant, car elle eût bien voulu,
elle, d’un mariage au plus tôt. — « Pourquoi donc ? — Une idée comme
çà ! — Que le diable soit des femmes avec leurs idées qu’elles ne veulent
pas dire ! »
En vérité, sans rien redouter de positif, Mᵐᵉ Leclercq pressentait un malheur.




CHAPITRE II

D'abord Louise s'ennuyait parfois (ceci, comme il a été dit, Mᵐᵉ
Leclercq le gardait pour elle).
Ensuite il y avait un jeune homme.
Le premier jeune homme venu, joli garçon, tout jeune, employé de commerce,
suffisamment éduqué dans le chic et dans le toc, qui s’appelait
Léon Doucet, et mangeait régulièrement dans la crémerie contiguë à la
boutique des époux Leclercq.
Il venait souvent chez ceux-ci acheter des allumettes et une bougie,
s’attardant quelquefois à causer, accoudé au comptoir, politique ou « affaires
» avec le père, intérieur et popote avec la mère, et chiffons, avec
la fille, quand celle-ci devait, le soir, à l’heure du dîner, suppléer pour
quelques instants ses parents occupés à la table et à la cave, — car il était
dans les Docks du Blanc, les grands magasins d’en face, l’un des préposés
aux articles pour dames et pouvait causer des mille riens de la lingerie
féminine en toute connaissance de cause.
Mᵐᵉ Leclercq, avec son oeil de mère, de femme, et de négociant parisien
— (au fond c’était elle, comme tant de femmes françaises, qui avait
l’initiative dans les affaires de la maison) Mᵐᵉ Leclercq avait pénétré au
fond du creux de ce garçon. Elle avait comparé ce vide avec le vide actuel
de coeur, de tête, et de sens de Louise. La beauté réelle, substantielle, du
commis des Docks du Blanc l’effrayait, mère, l’indignait, femme, et commerçant,
la dégoûtait.
Un beau jour elle découvrit un immense amour de sa fille pour cette
poupée imberbe, et ce quelle pleura ! Sa tête s’y serait perdue sans l’affection
maternelle. Son mari, lui, naturellement, ne vit, n’entrevit rien de
rien. Les hommes, les pères dans ces questions !
Et Mᵐᵉ Leclercq avait raison. . . L’amour a souvent été comparé à un
aigle. A tort. Parbleu, de l’aigle, il a la rapidité, mais c’est tout. Il n’aime pas
le grand jour, d’abord. Ceci dans tous les cas. Puis il ne tue que les faibles,
et s’il s’attaque à d’autres par mégarde, ce qui lui arrive souvent, il a lieu de
s’en repentir presque toujours. Non, c’est le hibou qu’il rappelle plutôt. Il a
l’obliquité, le plumage élastique du hibou ; — et ses serres ! Il a les grands
beaux yeux fixes, les belles ailes emphatiques et muettes du hibou, son
doux cri sinistre, son élan d’ouate sur la proie jamais manquée, puis, la
proie dévorée, le renvoi sourd devers la tour ou le chaume noirs dans la
nuit charmante. Mais quelles serres et quel bec ils ont donc, l’amour et le
hibou ?
La pauvre Louise, victime dévouée, l’éprouvait, cette fatalité, et devait
l’éprouver en tous sens, contre elle, pour elle, par elle !
Doucet ne s’aperçut tout d’abord pas de l’amour insensé de Louise
pour lui. Habitué qu’il était aux seules anecdotes de bal public ou de canotage,
l’idée ne lui serait jamais venue, il faut lui rendre cette justice, qu’une
jeune fille de bonne famille et d’éducation sévère dût jamais prendre garde
à sa « pomme » toute destinée rien qu’aux beautés faciles de la brasserie
et de l’atelier. Il ne se serait par conséquent jamais mis dans sa petite
tête pas méchante au fond, de faire une cour pour le mauvais motif (il se
croyait trop jeune et se sentait trop pauvre pour même rêver à du sérieux
dans cet ordre d’idées) chez des gens calés comme les Leclercq. D’ailleurs
le genre de charme de Louise n’était pas pour l’attirer. La jeunesse moins
piquante que délicate de Mˡˡᵉ Leclercq, sa modestie un peu hautaine et l’-
habitude chaste de toute sa démarche ne disaient rien aux sens naïfs de
cet adolescent trivial.
A la fin pourtant, à force d’avoir ses regards croisés par ceux de Louise
aussitôt éteints sous des palpitements de cils, et de remarquer sur son
visage ce va-et-vient des couleurs qui décèle encore plus la passion que
la pudeur, il lui fallait bien se rendre à l’évidence et reconnaître ce qui
l’effraya tout d’abord. Mais de ces frayeurs-là, on s’en remet vite à vingt
ans, et dès qu’il se vit aimé, sans aimer il désira, et dès lors sans plus y
réfléchir, il manoeuvra au-devant de la marche en avant de Louise.
La pauvre fille fut vite « perdue ».
Comment arriva la catastrophe, c’est ce qu’il est inutile de préciser :
la vie parisienne de ces régions a tant de coins et de recoins, d’allées et
de venues, de carrés d’ombre et d’occasions pour quelqu’un de très pur
ou de très brutal, qu’on serait surpris de compter tous les malheurs dans
ce genre qui s’y préparent et s’y installent. Louise tomba victime de cette
malice des choses autant que de leur ennui intrinsèque, cet ennui qui la
déprimait depuis son enfance, à son insu, malgré son héroïsme inconscient
et la simplicité presque virile de ses vertus.
Pendant quelques jours ce fut pour la chère enfant un délice énorme,
un vertige de joie. Son innocence gardée en dépit de la faute, ou plutôt
l’ignorance de son innocence envolée (où ? qu’en savait-elle ?) la faisait
à son tour désirer et se complaire à l’assouvissement du désir. . . Hélas
! le sang et les nerfs l’emportaient sur les pauvres principes, sur l’âme
vaillante mais faible, sur la raison, sur l’amour filial, sur le juste orgueil,
sur tout ! Et que celle qui fut sans faiblesse lui jette la première pierre !
Puis l’effroi vint avec l’excès. Car ils avaient mille ruses pour se voir
trop longtemps, et Louise n’était pas la plus malhabile ni la moins ardente
à trouver de ces rendez-vous instantanés, en quelque sorte sous l’oeil et
loin des regards de ses parents.
Maintenant que faire ? Elle ne pouvait plus rester. Sa franchise répugnait
à ces cachotteries d’ailleurs si graves, puis disons tout, d’ailleurs
ici la vérité s’impose cruellement quoique nous en ayons, il fallait plus de
champ à sa passion qu’elle avait besoin de place et d’espace pour satisfaire
bien, pour assouvir comme il fallait, car la flamme du sang grandissait
avec les jours écoulés et c’était toute la luxure, pour parler franc, qui pos-
sédait l’innocente, nous maintenons le mot — la luxure bestiale, l’immortelle
démangeaison, le besoin impérieux du mâle, non pas l’hystérie, saine
et robuste qu’elle était, vierge forte qu’elle sortait d’être, femme qu’elle
se sentait depuis quinze jours, femme normale, bon instrument bien manié
; car de son côté Doucet était bâti pour l’amour physique, ardent et
caresseur et rieur, souple, d’attaque et de riposte, gai dans l’expansion,
allègre après et persévérant sans plus d’effort que cela. Chose naturelle !
lui aussi avait subi une transformation. Et de même que le corps chez
Louise s’était magnifié, que sa taille, sa poitrine, ses membres, prenaient
de jour en jour plus d’autorité en quelque sorte et de beauté définitive, que
ses yeux hardis plus grand ouverts sur les choses brillaient de la lumière
nette qui sied à la compagne heureuse d’un homme heureux et jeune et
vigoureux, que sa voix avait des notes décidées, graves presque, et doucement,
mais pas trop, impératives, — de même ce beau garçon, sans se
féminiser au contraire, avait au contact d’une nature distinguée, infiniment
supérieure à la sienne (artificiel produit du gamin gentil de Paris un
peu formé par la pratique de clientes bien élevées et l’élégance relativement
moins calicotière de son genre d’emploi), contracté quelque chose
de simple, de bien, dans ses allures. Ses sens glorifiés dans cet amour qui
l’élevait, donnaient à sa tenue générale et aux détails de sa beauté un tour
plus sympathique vraiment. Son regard brun s’approfondissait en restant
vif et toujours un peu luron, le geste devenait sobre et juste, le teint assez
haut se nuançait mieux et sa bouche rouge et forte prenait un pli tout
à fait viril en même temps que plus avenant, l’esprit aussi se dégourdissait.
Plus de niaiseries rapportées du rayon, plus de jeux aisés ou non de
mots. Convenance, discrétion, égalité de manières et en somme de l’amabilité
sincère. C’est que l’amour l’avait investi à la longue. Une immense
reconnaissance, la satisfaction, le bonheur complet, la fierté d’avoir une
telle maîtresse, fierté plausible qui était encore de l’hommage, et toute
bonne volonté devers Louise complétaient la dangereuse métamorphose
de Doucet. Est-il besoin de dire que des deux amants c’était Louise qui
dominait, et son sérieux quand ils étaient bien entendu, de sang rassis,
sa parole calme mais définitivement formulée faisait plier Doucet comme
un roseau. Il tremblait de la contrarier, et par suite, de la perdre, et puis
ce lui était délicieux de lui obéir !
― Non. Pour toutes les raisons possibles elle ne pouvait, elle ne voulait
rester. Elle partirait avec Doucet pour toujours et voici ce qu’elle lui
proposa autant dire lui ordonna dans la troisième semaine de leur liaison :
Faire une bourse. Il gagnait deux mille francs et avait une somme de
deux cents francs de côté. Elle avait plus encore d’étrennes du dernier
jour de l’an et de ses espèces d’appointements comme comptable. Il possédait
une chaîne et une montre d’or, elle aussi, plus quelques bijoux, qu’ils
pourraient vendre ou engager. Il avait un parent à Bruxelles. Ils iraient
là. Elle se placerait comme comptable ou quelque chose d’approchant, lui
dans un grand magasin de blanc. On aimait les Français et surtout les
Parisiens là-bas. C’était entendu ?
Oui, et la bourse fut faite en huit jours.. Le lendemain ils se réunissaient
à une heure convenue de l’après-midi à la gare du Nord.
Elle avait quitté ses parents sans un mot d’adieu, rien, rien et rien !
Ce n’était ni une fuite ni un départ. C’était une destinée qui allait où elle
devait aller. Tout sentiment autre que l’amour était aboli pour elle. Son
action n’était pas de la révolte même instinctive, mais bel et bien la vie qui
passait, la tirant à sa suite. Avec cela le plus grand sang-froid. Valise pleine
d’objets utiles adroitement expédiée en secret à la consigne sous un faux
nom vraisemblable, sa comptabilité en ordre jusqu’au dernier guillemet
et durant toute cette période de préparatifs, comme du reste depuis le jour
de sa chute, la même fille docile, soumise, travailleuse et doucement gaie
absolument qu’auparavant. Mᵐᵉ Leclercq n’y vit que du feu cette fois.
Il était deux heures de l’après-midi. Le train ne partait qu’à six. Ils allèrent
dans un hôtel voisin où ils mangèrent, après quoi Louise demanda
une chambre pour la nuit. Ils signèrent M. et Mᵐᵉ Doucet sur le livre de
police. Louise avait écrit la première. Doucet était un peu surpris de cette
remise du voyage au lendemain, mais il eut tôt compris et certes il ne songeait
pas à se plaindre. Le soir Doucet sur son désir la mena dans un café-concert
où il était sûr de ne pas rencontrer de camarades. Ce spectacle lui
plut beaucoup comme il doit plaire, en dépit des sots, à tout spectateur
neuf, par sa franchise et sa variété, de même qu’il plaît aux dégoûtés de
la musique et de la littérature courantes par son outrance.
Rentrés à l’hôtel et couchés, comme Louise avait joui de toute cette
intimité du linge dernier, du lit à deux, de l’entrée à corps perdu dans
les bras, sur le sein, dans tout l’être l’un de l’autre ! Doucet bien qu’assez
habitué à des fêtes analogues mais qu’incomparables ! n’en revenait
franchement pas de ce qu’il aurait pu appeler sa gloire. Par moments il
se pressait le front dans une main et accoudé sur les oreillers, regardait
un gros moment Louise, puis le plongeait sous l’épaule d’elle, aux longs
cheveux d’ombre d’or. La bougie s’éteignit. Ils s’en passèrent et le petit
jour les retrouva joyeux et plus réveillés que lui.
Deux heures après, tout en s’habillant sous mille baisers et caresses
partout, au cou, sur le dos, au long des reins et des jambes, sur les pieds et
au bout de chaque doigt, de l’endiablé Doucet, Louise écrivit au crayon,
vite et mal, comme pour se débarrasser d’une corvée, le mot suivant à ses
parents :
Je pars. Rassurez-vous. Je suis et serai heureuse. Prenez pour
les écritures Mlle Moreau. C’est une bonne femme qui me remplacera
avantageusement.
Votre fille qui vous embrasse.
Louise.
D’autre part Doucet avait assuré ses derrières et sur l’avis de Louise,
pour le cas où ils échoueraient à Bruxelles, s’était ménagé une rentrée
aux Docks. Un ou deux confortables mensonges réglaient au mieux ses
affaires partout jusque chez sa mère, infirme et gâteau qui même lui avait
donné deux billets de 50 francs en lui recommandant l’économie. De la
sorte ils se voyaient quelque pain sur la planche et un bon mois libre à
partir de ce jour.
A Bruxelles tout leur réussit. Le cousin de Doucet fut charmant, comprit
à demi-mot la situation des jeunes gens, apprécia tout ce qu’il y avait
de sûr et de solide dans Louise, alla jusqu’à la trouver un trésor pour le
« petit » comme il disait en parlant de Doucet qui au bout de deux jours
fut placé aussi avantageusement qu’à Paris et avec plus de chances d’avenir.
Louise trouva aussi quelque chose, mi-éducation, mi-tenue de livres,
de très sortable.
Ils louèrent une belle chambre garnie où ils furent heureux sans
nuage. Louise était d’une résolution mais d’une grâce parfaites ; attirante,
séduisante, épouse et maîtresse au point que jamais la moindre idée d’une
autre femme ne se dressa durant ce temps paradisiaque dans les sens ni
même dans l’idée de son amant, que, jamais lui, habitué aux longues soirées
de bals ou de cafés et aux « rentrages » tard, ne sortit qu’avec elle au
bras, ne faisant pas de camarades tout en se maintenant cordial avec ses
entours. Louise s’enfonçait de plus en plus dans son bonheur. Elle aimait
son beau Léon tant et tant ! Sa tendresse, sa bonne humeur, ses petits
soins et son obéissance l’enveloppaient, comme son amour toujours en
éveil d’ardent gamin promu tendre amoureux la pénétrait. Elle ne pouvait
se lasser de le contempler, d’entendre sa voix forte et douce qui ne
proférait plus maintenant de vulgarités. Elle se pâmait à ces yeux plutôt
petits mais si vifs et voluptueusement fendus que voilait d’une légère
humidité le frisson des minutes adorables, à ce nez fin un peu relevé de
l’extrême bout, juste assez long, aux ailes vivantes, à cette bouche forte
dont la lèvre supérieure un peu surplombante sombrait d’une petite ligne
de soie noire qui était une moustache, cette bouche à tant de sourires,
à tant de baisers savants, ingénus, fous ! Des cheveux courts avec une
petite disposition à friser folâtraient en mèches noires sur un beau front
blanc moyen, et le menton et la joue et le cou d’une belle carnation un
peu vive et de magnifiques dents contribuaient à l’aspect sensuel et irrésistiblement
gentil de cette tête tant baisée, caressée à deux mains, bercée
sur l’épaule et dans les bras et sur les seins et dans les seins ! dans tous
les sens.
Un matin, elle lui dit : je suis enceinte.
Ce fut une joie !
Doucet voyait son couronnement dans ce fait, l’apogée et le définitif
de sa jeunesse qui lui semblait être et qui était en fait la plus heureuse
qu’on pût rêver.
Louise plus profonde, d’une imagination moins fleurie, sentait là une
consommation, une consécration, et son bonheur n’en existait que davantage.
Huit ou dix jours passèrent d’enfantillages délicieux. Serait-ce une
fille ou un garçon ? Et tous les projets bêtas mais si gentils d’usage. Et un
redoublement d’amour et d’amours !
Un matin la pensée de ses parents frappa Louise, tout d’abord à l’endroit
sensible. . .
Les pauvres gens, eux aussi, avaient goûté ce délice quand elle fut
conçue, et maintenant !
Et les visions du coeur ! Leur désespoir, peut-être quelque malheur
cérébral ou encore pire. Et les réflexions d’après. Ils avaient été si bons
pour elle, elle enfant unique, leur joie ! Les avoir quittés si sèchement !
Sans doute, certes, elle referait ce qu’elle avait fait, avouaient ses manières
de remords : Léon avant tout, et Léon le verrait ! Mais maintenant, — ici la
chrétienne reparaissait, — le devoir aussi, un devoir doux, revoir ces gens
qu’elle avait désolés et qu’elle consolerait, ne sacrifier qu’elle-même, faire
une part magnifique à Léon — et plaire à Dieu.
Comme Léon, selon son habitude après leur lever, se tenait à genoux
les deux coudes sur les genoux d’elle éprise, leurs yeux perdus dans leurs
visages, elle lui dit lui passant la main sur les cheveux lentement, s’arrêtant
quelquefois :
― Mon Léon, tu sais que je t’aime plus que moi-même et que tout au
monde. Je suis toute à toi, donnée et prise. Tu m’as conquise absolument.
Ton sang coule dans mes veines et ta chair respire dans mon sein. Mais,
homme chéri, il faut penser à toi. Je ne puis plus faire ton bonheur que
loin de toi désormais. Loin de toi par l’espace, car je serai toujours là par
le désir et par toutes mes actions et par toutes mes pensées, qui ne seront
que pour toi. J’ai des parents que j’ai laissés, il faut que j’aille les retrouver
et consoler les derniers jours que je leur aurai tant avancés. Tu resteras
ici où tu seras mieux qu’à Paris. Je t’écrirai tous les jours. Et puis je le
veux, tout ton bonheur est dans ma volonté accomplie. Tu verras qu’il y
a autant de plaisir dans la privation comme ça que dans la satisfaction. . .
Tout cela moins bien dit, plus délayé, plus à la portée du pauvre garçon
ébahi mais que, par degrés, cette parole accoutumée ramena au calme et
qui finit par dire oui, oui, et par s’en aller à son magasin tout en pleurant
après avoir promis d’être sage.
D’ailleurs, dit-elle, je ne pars pas encore. A ce soir, cinq heures.
Elle lui donna une nuit qui les mena, ravis, extasiés, exténués, jusqua
midi. A deux heures elle prenait le train de Paris, le laissant triste à mourir,
mais calme et comme vaguement espérant.





CHAPITRE III

Il y a, dans l'église dartreuse de Sainte-Marie des Batignolles, à
droite en entrant par le bas côté, un Christ en croix, grandeur naturelle,
effroyable et merveilleux, quelque débris d’un couvent espagnol
pillé sous le premier Empire, retrouvé chez un marchand de bric-à-brac,
respectueusement restauré, repeint et réédifié contre un mur chargé
d’ex-voto tout flamboyant, dans l’éclat d’innombrables petits cierges votifs,
d’un large ruban d’or formant gloire, qui serpente autour de l’image
sainte. Cette statue est de bois, d’une belle anatomie. La tête très grosse en
raison évidemment de l’élévation énorme où ce crucifix devait se trouver
dans la chapelle conventuelle (espagnole, ne pas l’oublier) crie penchée,
et sa convulsion épouvante dès d’abord, puis touche infiniment, tant il
y a de douceur restée, d’esprit de miséricorde et de pensée vraiment catholique
dans ce visage en avant qui se meurt et qui meurt pour tous. En
bas, au-dessus d’un tronc, ces mots : cinq pater et cinq ave. J’aime pour
ma part cet appel à la munificence des fidèles pour l’entretien glorieux du
Simulacre et ce rappel aux prières efficaces de surérogation.
A six heures juste, comme on ouvrait l’église, Louise qui avait couché
à l’hôtel entrait se prosterner aux pieds du douloureux Symbole. Elle
y resta longtemps ; son industrie catholique lui suggérait de n’aller pas
plus haut d’abord et de déposer, en ce lieu humble et par devant la seule
représentation sensible des saints mystères de l’autel, le fardeau de ses
péchés si griefs pour ensuite, humiliée et toute encore, par le péché mortel
non remis, dans la main de son Sauveur et de son Juge, mais assouplie,
la langue purifiée par la prière vocale, — elle avait récité plusieurs chapelets
de pure supplication et non les cinq pater et cinq ave prescrits en
vue d’indulgences qui ne peuvent s’obtenir qu’en état de grâce, — pour
le porter ensuite au confessionnal. Ses aveux furent courts. L’absolution
obtenue, elle assista à l’une des messes célébrées à l’autel de la Sainte
Vierge, au bout de ce même bas côté, puis communia.
Rentrée rue des Dames, elle trouva au comptoir le plus âgé des garçons
qui lui apprit que son père était mort il y avait six semaines d’une attaque
d’apoplexie foudroyante en sortant de déjeuner, et que sa mère ne valait
pas beaucoup mieux, ayant été prise ce même jour d’un tremblement par
tout son corps. Depuis ce temps elle n’avait pas quitté le lit. Le médecin
ne lui donnait pas un an à vivre. La tête y était pourtant encore et dès le
commencement Mᵐᵉ Leclercq avait fait venir Mˡˡᵉ Moreau qui tenait les
comptes et servait les clients alternativement avec lui, Ernest. Tout ceci
raconté d’une voix tremblée par le jeune homme en longue toile grise.
Louise, immobile dans sa toilette sombre, accueillit d’un lent soupir ces
nouvelles dont elle se doutait puis alla voir sa mère. Elle la trouva yeux
grands ouverts qui se laissa baiser sur les joues et ne lui dit que ces deux
mots : — ô Louise ! A quoi celle-ci répondit : maman, je suis rentrée pour
toujours, ne vous inquiétez de rien. Tout ira pour le mieux. Prions pour
mon père et pour votre santé. Dieu sera bon.
Elle parlait d’autorité. Rien d’inutile dans son discours ni dans son
verbe. Une décision absolue la dirigeait, une conviction inébranlable, la
certitude même. Sa mère subit tout de suite cette volonté raisonnable,
froide, douce et qu’elle sentait réparatrice. Elle ne revint jamais sur le
passé. Mˡˡᵉ Moreau et Louise gouvernaient la maison. La première arrivait
à huit heures, prenait ses repas chez Mˡˡᵉ Leclercq et ne repartait que
quand on fermait. Les garçons couchaient dans une mansarde de la maison.
Ces jeunes gens étaient bien convenables, comme disait le pauvre M.
Leclercq. Quoique âgés de dix-huit et seize ans, les deux frères se montraient
dévoués, actifs, probes et comme des enfants de la maison. S’ils
avaient quelque amourette là-haut, où logeaient les bonnes, il n’y paraissait
ni à leur exactitude ni à leurs dépenses ni à leur langage, qui était
toujours des plus respectueux.
Louise tint parole à Léon et lui écrivait tous les jours. Ses lettres plus
maternelles encore que conjugales faisaient le meilleur effet sur le bon
garçon. Elle le mit au courant de la situation, — lui promettant, et Léon
savait bien que promettre pour Louise c’était tenir, — de se marier avec
lui aussitôt que serait morte sa mère malheureusement condamnée par les
médecins. Ils vivraient à Bruxelles de sa place à lui et de la petite fortune
qu’elle réaliserait par la vente du fonds d’épicerie en outre des économies
du ménage Leclercq.
Léon se résignait, se tenait sage, sourd aux grosses tentations belges,
tout à Louise et à l’avenir en elle.
Ce fut patiemment donc en somme qu’il attendit. Il avait fait part de
son changement à sa mère avec laquelle il garda de bons rapports et dont
il pouvait attendre quelques mille francs. La mort de Mᵐᵉ Leclercq (Leclerq)
prit place deux mois après le retour de sa fille qui l’avait soignée
divinement. La vente du magasin s’opéra dans les meilleures conditions
et le mariage put avoir lieu avant la naissance de Léonie Doucet, que celle
d’un Louis suivit à un intervalle d’un an.
Le ménage est heureux. Léon est devenu un homme intelligent. Il reste
enjoué, de bonne composition et pour toujours reconnaissant à sa femme.
Elle, c’est la bonne chrétienne, la mère par excellence, l’épouse aimante
et la femme forte, en un mot l’unième sur mille.